Une manifestation monstre
Les pavés des rues polonaises sont usés depuis plusieurs mois par les différentes manifestations successives qui se sont déroulées dans le pays depuis la nomination de Beata Szydło à la tête du nouveau gouvernement. Néanmoins, l’ampleur de la manifestation du samedi 7 mai, se déroulant quelques jours avant les célébrations de la fête de l’Europe a pu en étonner plus d’un. Même si les partisans et opposants à cette manifestation divergent sur le nombre de participants, les principaux chiffres avancés font état de 240 000 manifestants réunis dans les rues de la capitale pour démontrer leur attachement à l’idée européenne. Cet événement n’est pas sans rappeler aux plus anciens les manifestations menées par le syndicat Solidarność et son leader charismatique Lech Wałęsa, dans le milieu des années 1980, contre le gouvernement communiste de l’époque.
La défense des valeurs européennes
Dénonçant la dérive autoritaire du gouvernement actuel, qui s’est notamment illustrée par une crise constitutionnelle l’ayant opposé au Tribunal constitutionnel, la manifestation fut l’occasion de rappeler aux oreilles de celui-ci l’attachement aux valeurs européennes des citoyens d’un pays ayant adhéré à l’Union européenne depuis un peu plus de dix ans. Ceci semble justifié au regard des nombreux points de tensions qui ont émergé depuis novembre 2015 entre le gouvernement Szydło, et les différentes instances européennes. Face à certaines dérives vis-à-vis de l’indépendance des médias et de la justice, la Commission européenne a lancé en janvier dernier son « mécanisme de dialogue dans le cadre de l’Etat de droit », qui peut notamment aboutir à une suspension du droit de vote de la Pologne au sein du Conseil de l’Union européenne. L’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe [1] de son côté, a demandé à la Commission de Venise d’enquêter sur le respect des droits de l’Homme et de l’Etat de droit en Pologne. Celle-ci doit rendre un avis très attendu en juin prochain. Ce soutien des organisations européennes ne peut que galvaniser l’attachement des Polonais aux valeurs européennes à un moment où l’on tend à se demander si l’Union européenne ne les a pas elle-même oubliées dans son traitement de la crise des migrants.
Même si PiS et le gouvernement actuel n’ont jamais remis en cause l’appartenance de la Pologne à l’Union européenne, c’est essentiellement la trajectoire du gouvernement qui est dénoncée car celle-ci semble se tracer au mépris des valeurs européennes.
L’Europe, mais pas que…
Cette manifestation de grande ampleur a également permis aux principales forces d’opposition du pays de se montrer unies tout en critiquant la position du gouvernement sur les dossiers européens. Les principaux partis d’opposition du pays étaient ainsi présents à cette manifestation et notamment la Plateforme Civique (PO) qui gouverné le pays jusqu’en 2015 avec ses alliés du Parti Paysan (PSL). Interrogé par Le Monde, Grzegorz Schetyna, nouveau leader de PO, estime que la direction empruntée par le gouvernement actuel pourrait mener le pays à un « cauchemar autoritaire ». Quant à Kamila Gasiuk-Pihowicz, porte-parole du parti libéral « Nowoczesna », elle a rappelé le rêve de ses parents, celui « d’une Pologne libre dans une Europe commune ».
L’apparition commune de ces partis intervient quelques jours après la formation d’une coalition pour « la Liberté, l’Egalité et la Démocratie » à l’initiative de KOD et rassemblant divers partis politiques tels que Nowoczesna ou le Parti Paysan, résolus à défendre l’ordre constitutionnel en Pologne, à sauvegarder les valeurs européennes en Pologne et s’opposant à la prise des institutions par PiS.
Un pays toujours autant divisé
Malgré les différentes manifestations successives et la mise en marche de l’opposition, le parti dispose toujours d’un soutien populaire. Les derniers sondages lui donnent un soutien de 33% parmi la population, tandis que les principales forces ne semblent plus convaincre. Bien que l’on ait pu voir la marionnette de Jaroslaw Kaczynski, leader du PiS, tirant les ficelles de deux marionnettes représentant la première ministre et le président polonais, Andrzej Duda, tous deux affiliés au PiS, ce dernier dispose toujours d’un soutien puissant. C’est le cas notamment dans les nombreuses zones du pays qui n’ont pas bénéficié de l’impressionnante croissance de la Pologne depuis sa sortie de l’ère du communisme. Malgré cela, la contre-manifestation de soutien au gouvernement organisée samedi dernier à Varsovie a peu motivé les soutiens de PiS, rassemblant quelques milliers de supporters dénonçant le « diktat de Bruxelles ».
La manifestation de samedi dernier aura fini de prouver au gouvernement que la Pologne ne peut outrepasser les valeurs ancrées dans la construction européenne telles que l’Etat de droit et plus largement, le respect des droits de l’Homme. Ce rassemblement doit être observé avec attention par d’autres pays qui seraient ou sont déjà tentés par une dérive autoritaire, foulant aux pieds les valeurs européennes.
1. Le 11 mai 2016 à 22:12, par Helvetor
En réponse à : Les Polonais s’accrochent à leur destin européen
La grande majorité des polonais a élu ce gouvernement. Pourquoi les médias ne respectent aucunement ce choix : car les médias sont comme partout, de gauche, donc opposés idéologiquement à un gouvernement conservateur de droite. et les médias sont ainsi proeuropéens. Le parti PiS a été plebiscité, le président du même parti l’a été aussi, le parlement aussi sans un seul parlementaire de gauche. La tâche de laver le pays et ses institutions des ex communistes est grande. Le choix est celui des 40 millions de polonais. Ce choix serait tout aussi net si l’om comptabilisait les polonais de l’étranger et leur descendants.
2. Le 13 mai 2016 à 02:00, par Ewa
En réponse à : Les Polonais s’accrochent à leur destin européen
Arrêtons cette paranoïa . Réellement c’était seulement 45000. Et personne ne les empêchait pas manifestér donc la démocratie continue encore un peu il semble dans ce pays. C’est une panique devant la menace inexistante La Pologne est critique envers UE comme tout le monde actuellement . Pourtant elle y restera pour plusieurs raisons peu import la partie au pouvoir . Le KOD ne défende que son MONOPOLE PERDU DANS LES MÉDIAS et ailleurs . Leur monopole a commencé de moment quand après la tragédie à Smolensk il se sont débarrassés d’opposition et licencié les journalistes d’opposition etc . Oui , rien étonnant que si actuellement PIS au pouvoir et une partie d’eux va perdre leur sièges et laisser la place au nouveau aussi dans les médias que au tribunal . Heureusement car l’arrogance et niveau de ces journalistes... Pardon mais était écurant.- En espérant que PIS ne va pas se comporter identiquement comme precedant pouvoir . Mais il n’ont pas ce conforte dont profitait PO après le crash. Donc attendons
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