La place de la femme au sein de la construction européenne interroge. Lorsque l’on pense à la création de l’Europe telle qu’on la connaît, on pense tous aux pères fondateurs. Comme le dit Yves Denéchère, dans son ouvrage Femmes, pouvoir exécutif et construction européenne, « Mais où sont les femmes ? Privées de l’accès aux sommet des pouvoirs exécutifs nationaux – à quelques très rares exceptions –, elles n’ont jamais été en mesure de jouer un rôle de premier ordre ». Mais les femmes en Europe ont participé activement aux prémices de l’Union européenne à travers leurs règnes, comme celles d’Alexandrina, plus connue sous le nom de Victoria, arrière-arrière-grand-mère de la défunte reine Elizabeth II.
La reine Victoria, grand-mère de l’Europe
Celle qu’on surnommait « la grand-mère de l’Europe » régna sur l’un des plus vastes royaumes qu’ait connus la planète. À la tête du de l’empire britannique durant 64 ans - alors qu’elle n’était pas destinée à régner -, fit de son époque celle de la construction européenne.
Avec une accession au trône à l’âge de 18 ans, elle fut d’abord prise sous l’aile de Lord Melbourne, qui deviendra par la suite son premier ministre. En 1840, elle épousa Albert Saxe-Cobourg-Gotha, un prince allemand. Leur mariage n’était pas un arrangement, mais bien le fruit d’un véritable amour : leur union durera 21 ans et donnera la vie à 9 enfants.
Son règne fut rythmé par de nombreux défis, dont des périodes de famine, des grèves, des guerres, et des protestations contre les conditions de vie des travailleurs. Elle apprit également la diplomatie et le dialogue avec les autres monarchies européennes, ce qui lui permit de jouer un rôle de premier plan au sein des États européens. Mais la mort de son mari Albert le 14 décembre 1861 l’attrista au point qu’elle se retira des affaires de l’État (elle sera même surnommée la veuve noire), avant de reprendre ses fonctions publiques à la fin des années 1870.
Sans le savoir, la reine Victoria aura permis les prémices d’une identité européenne à travers son règne, sa diplomatie, et finalement sa descendance. La fin de son règne, elle le consacrera à rétablir la paix en Europe et à élargir et consolider son empire. En « infiltrant » ses enfants et ses petits-enfants dans les royautés des États européens, elle contribuera à apaiser les relations diplomatiques interétatiques. C’est par l’unité des monarchies européennes que la reine Victoria aura permis d’asseoir une influence notable de la Couronne britannique en Europe, qui persiste encore aujourd’hui.
Le rôle des Affaires étrangères : entre pouvoir de la Couronne et la place de Lord Palmerston
Malgré le rôle de plus en plus accru du Parlement et du gouvernement britannique dans les affaires courantes, la Couronne britannique n’a pas délaissé le rôle qu’elle occupait en matière de diplomatie étrangère. Et ce, malgré la présence d’un ministre des affaires étrangères encombrant, Lord Palmerston.
En 1846, lorsque John Russell devint le premier Ministre de la reine Victoria, Lord Palmerston fut choisi comme ministre des Affaires étrangères. Son implication dans plusieurs crises européennes fragilisa amplement le rôle de la reine Victoria dans la promotion de la paix sur le continent européen. Lord Palmerston est notamment intervenu durant l’affaire du Sonderbund et du radicalisme suisse lors de la révolution du 24 février 1848, qui frappa l’Europe de l’Ouest. Mais également en 1849, lors de la dissolution du parlement de Francfort, alors que l’empire autrichien luttait péniblement contre les revendications hongroises et italiennes.
Les différents incidents liés à ces évènements n’ont pas plus à la Couronne britannique, si bien qu’à maintes reprises, la reine Victoria dû rappeler Lord Palmerston à l’ordre : son entêtement allait à l’encontre des aspirations de la Couronne. C’est ainsi que la reine Victoria représentait seule sa Nation lors de rencontres officielles, afin de régler certains conflits et de rappeler qu’elle était la souveraine. Cet exercice demanda du courage à la jeune reine pour s’imposer dans un monde politique composé quasiment exclusivement d’hommes, et fut probablement le plus difficile jusqu’à la fin de son règne en 1901.
Les souveraines britanniques, actrices européennes du maintien de la paix et de la diplomatie
La reine Victoria, tout comme sa descendante la reine Elizabeth II, furent sans aucun doute celles qui marquèrent le plus leur époque par leur rôle prépondérant dans le règlement des différends européens. Toutes les deux ont connu la guerre, les crises alimentaires, les grèves... En améliorant les conditions de vie de leur population, elles firent de la Grande-Bretagne un Etat puissant et avant-gardiste, modèle de développement pour de nombreux pays européens.
Elles donneront à l’Europe les prémices d’une union économique, à travers notamment les échanges commerciaux, mais également les débuts d’une identité européenne, via le maintien de la paix en Europe. Leurs rôles proactifs au sein du continent européen ont souvent été remis en cause. Alors que les femmes étaient nombreuses à compter leurs exploits dans la construction européenne, leur impact se remarque encore aujourd’hui… Bien que malheureusement, le rôle des souveraines britanniques n’a pas suffit à empêcher la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
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