Le ministre slovène des Affaires étrangères, qui représente le Conseil de l’UE dont son pays occupe la présidence durant le 2e semestre 2021, entame le débat en soulignant l’impact de la pandémie de Covid-19 sur la profession. La situation sanitaire a ainsi « exacerbé de nombreux défis préexistants pour les médias et les journalistes, tels que la forte baisse des revenus et les diverses transformations apportées par l’environnement numérique ». Dans le même temps, « un système médiatique libre, indépendant et pluraliste n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui pour garantir que nos citoyens puissent prendre des décisions en connaissance de cause, en s’appuyant sur des sources d’information objectives et diverses ». Et assure les parlementaires de la détermination de la présidence slovène à agir en ce sens.
Entre lassitude et appels à l’action
Au sein de l’hémicycle strasbourgeois, la lassitude gagne en effet les députés. « Nous ne devrions pas avoir à tenir ces débats », lâche d’emblée Roberta Metsola, s’exprimant au nom du PPE. « Une fois de plus, au Parlement européen, nous discutons des problèmes de la Pologne au lieu de parler de l’avenir », acquiesce Sylwia Spurek (Verts/ALE). « Oui, nous devons empêcher la disparition de TVN24, l’une des dernières voix libres en Pologne. Mais nous avions déjà eu une telle action en mars dernier pour la liberté des médias - en Pologne déjà, mais aussi en Hongrie et en Slovénie. Et si nous agissions enfin ? », s’agace Laurence Farreng (Modem/Renew). « Nous ne convaincrons personne, alors arrêtons l’échange d’arguments et passons à l’action », renchérit sa consoeur Sophie in’t Veld (D66/Renew). « La Commission européenne est engagée dans un dialogue depuis des années maintenant, et jusqu’à présent, je ne vois aucun changement », poursuit Daniel Freund (Verts/ALE) qui ajoute : « Depuis le 1er janvier, avec la conditionnalité de l’État de droit, nous disposons d’un outil qui serait plus efficace », et appelle à s’en servir.
« Aujourd’hui, la Commission européenne a déjà fait un premier pas en déposant une recommandation visant à mieux garantir la sécurité des journalistes en Europe. Veillez à ce que cela se fasse réellement sur le terrain. Le Parlement européen ne laissera pas ce dossier en suspens », prévient Tom Vandenkendelaere (CD&V/PPE).
Un enjeu démocratique
Une intervention européenne jugée nécessaire au nom de la démocratie. « Il ne s’agit pas seulement d’une question interne à la Pologne. Une attaque contre les médias polonais est une attaque contre les médias européens. C’est une attaque contre nos valeurs européennes communes », juge ainsi Jeroen Lenaers (CDA/PPE). « En grec, un journaliste est appelé dimosiográfos, c’est-à-dire quelqu’un qui écrit et informe les gens. La démocratie signifie dimoskratía : le règne du peuple. Si un peuple ou une communauté de citoyens n’est pas librement informé, on ne peut pas parler de démocratie », pour Niyazi Kizilyürek (ΑΚΕA/La Gauche). « Tout citoyen a le droit de savoir. Et aucune autorité, aucun gouvernement qui n’accorde pas de licences, qui ferme des médias ou achète un journal, ne résout ce problème », renchérit Andrzej Halicki (PO/PPE).
Contestations de l’extrême droite
En effet, même si la majorité des groupes parlementaires condamnent l’action de la Pologne en matière de violation d’état de droit, une minorité (ECR, ID) s’inscrivent en faux. Ces groupes dénoncent une résolution « injuste et malhonnête envers la Pologne » (Jadwiga Wiśniewska - PiS - au nom du groupe ECR) « En Pologne, les médias sont libres et il n’y a pas de problème de liberté d’expression », assure la députée polonaise qui dénonce « une pression politique non autorisée ». Chez ses confrères de ID, on dénonce une politique de « double standard », en se comparant avec l’Allemagne. « Les principales chaînes de médias en Allemagne sont toutes effectivement contrôlées par des personnes nommées par le pouvoir politique, tandis que RT se voit refuser une licence de télévision. L’État de droit, ne tolère pas les doubles standards. », s’insurge Gunnar Beck (AfD/ID). « Si d’autres pays le peuvent, pourquoi pas nous ? », affirme Beata Mazurek (PiS/ECR) qui y voit un « traitement de la Pologne comme un pays de seconde zone ».
Des affirmations contre lesquelles de nombreux députés ont protesté. « Ce n’est pas parce qu’un gouvernement est arrivé au pouvoir démocratiquement que tout ce qu’il fait est nécessairement démocratique », poursuit Katarina Barley (SPD/S&D). « Qu’est-ce que la Pologne démocratique, européenne et civique vous a fait pour que vous la détestiez au point de la mener au désastre sur la scène internationale, que vous vous appropriiez de plus en plus d’institutions indépendantes, que vous fermiez de plus en plus les fusibles de l’État démocratique et que vous détruisiez la jeune démocratie polonaise ? », s’est même demandé Łukasz Kohut (SLD/S&D). « Le peuple polonais ne s’est pas laissé bâillonner sous le régime communiste, et il ne se laissera pas bâillonner aujourd’hui. La société polonaise défendra la liberté d’expression et la démocratie, car c’est le caractère et la caractéristique de notre nation. La Pologne sera démocratique et fera partie de l’Europe », promet Andrzej Halicki (PO/PPE).
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