M. Hollande, l’Europe ne se limite pas à l’Allemagne et la France

, par Fabien Cazenave

M. Hollande, l'Europe ne se limite pas à l'Allemagne et la France
François Hollande était l’invité de la matinale de France Inter le lundi 5 janvier. Image issue de l’interview de François Hollande sur France Inter du 5 janvier 2015

Lors de sa participation à la matinale de France Inter, le président de la République a abordé les questions européennes. Il était frappant d’entendre parler François Hollande seulement de l’Allemagne et de la France, comme si le reste de l’Europe n’existait pas.

Après avoir parlé du cas grec, François Hollande est revenu sur ce « que nous voulons faire de l’Europe. L’Europe doit être notre protection, à condition qu’on puisse lui donner la force qui est attendue d’elle, c’est-à-dire être plus présente sur la scène internationale qu’elle ne l’est et la croissance. Le Plan Juncker de ce point de vue est une étape importante qui va maintenant être franchie ».

Interrogé sur la sa relation avec Angela Merkel, le chef de l’exécutif français a expliqué qu’il voulait « que l’Europe puisse être plus forte, solidaire dans ses choix et plus active dans ses politiques de croissance. Mme Merkel attend de la France que nous soyons plus compétitifs. Nous attendons de l’Allemagne qu’elle puisse être davantage dans la relance de la croissance ». Annonçant une réunion à Strasbourg le dimanche 11 janvier avec la chancelière allemande, il a dit « nous allons parler de l’avenir de l’Europe, de la relation franco-allemande ».

Pour François Hollande, l’Europe n’est qu’un concept et non une réalité

Il est frappant d’écouter le chef de l’Etat nous parler d’Europe sans citer une seule fois la Commission européenne. Pour lui, il n’y a clairement pas d’institution au-dessus des Etats membres. La Commission n’est jamais citée, de même pour le Parlement européen. Il dit que l’Europe doit être plus présente sur la scène internationale, mais quand il parle de la crise ukrainienne, l’Europe veut dire France et Allemagne : « L’Europe ne peut pas rester indifférente et le rôle de la France et de l’Allemagne a été de chercher une solution ». Et tant pis pour la Pologne présente dès le début de la crise aux côtés des Français et Allemands par exemple. Surtout, l’Union européenne en tant que telle n’a pas voix au chapitre.

Il en est de même sur la gestion des « cargos-poubelles » et de la pression migratoire. « C’est l’Europe qui a été amenée à sauver ces migrants. L’Europe doit surveiller les frontières extérieures. C’est ce que nous avons mis en place avec un système qui s’appelle Frontex », explique le président de la République. Il oublie sciemment de dire que cette toute petite agence est seulement responsable de la coordination des activités des garde-frontières. Il n’y a donc pas de garde-frontières européens ou de FBI européen pour lutter contre les cercles mafieux utilisant les migrants pour se faire de l’argent. Non, il n’y a pas d’Europe qui surveille les frontières extérieures.


Grèce, relations avec l'Allemagne, Ukraine..... par franceinter

Un discours à double-sens

En fait, le président de la République tient un discours à double-sens. On appose une image d’Europe et on agit de manière nationale. C’est typiquement le cas de la taxe sur les transactions financières. Cette coopération renforcée menée par une dizaine d’Etats n’arrive pas à se mettre en place. François Hollande la promet pour 2016 et annonce déjà qu’elle servira à lutter contre le réchauffement climatique. Mais pourquoi une taxe « européenne » devrait-elle être définie par le niveau « national » ? On ne demande pas aux régions françaises de définir l’action du budget de l’Etat français.

C’est tout le problème du discours pro-européen d’aujourd’hui : on s’affiche européen, on se démène pour maintenir l’Europe à flots, mais au final on agit nationalement. Face à Poutine, il ne devrait pas y avoir de François Hollande ou d’Angela Merkel, mais un président de la Commission et sa ministre des Affaires étrangères. C’est toute l’Europe qu’on engage dans ces discussions, mais on s’arroge le droit d’agir en tant que France, Allemagne ou autres.

François Hollande est pro-européen, cela ne fait pas de doute. Mais c’est avant tout un Français qui ne pense pas encore en Européen. La preuve, quand il dit « Europe », il veut dire seulement France et Allemagne.

Vos commentaires
  • Le 6 janvier 2015 à 10:01, par BorisB En réponse à : M. Hollande, l’Europe ne se limite pas à l’Allemagne et la France

    Je crois que notre président est assez intelligent pour savoir que l’Europe n’est ni un concept, ni limitée à la France et l’Allemagne.

    Par contre, en tant qu’homme politique visiblement engagé dans une campagne électorale, il suit les conseils de ses communicants. Ainsi, en oubliant de mentionner la Pologne, il rend proéminente l’action la France dans la situation politique en Ukraine ; en soulignant le tandem France/Allemagne, il montre son fair-play et son esprit d’équipe, tout en n’oubliant pas de mentionner qu’il n’est le larbin de personne. Bref, il travaille son image et apparemment : il est prêt à voler les enjoliveurs de l’UE pour remplacer ceux de sa bagnole.

    Jusque là, il n’y a pas de quoi s’étonner. Cependant son choix de sacrifier l’image de l’Europe pour mener à bien sa propre réélection est révélateur d’une chose : il croit que la majorité de ses électeurs potentiels, veulent surtout entendre parler de la France et tant pis pour l’UE ! Mais ne l’oublions pas : lui et son équipe de communication sont des professionnels de l’opinion publique, donc leur stratégie consistant à considérer la dépréciation de l’action européenne comme un dommage collatéral « acceptable », est certainement fondée.

    Donc nous autres pros-européens, aimerions que tout le monde soit indigné par sa ligne discursive, mais à moins que François Hollande n’ait encore bourdé, il semblerait que l’on soit encore loin du compte. Alors, comment faire pour changer la donne ?

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