Le 16 octobre 2017 une journaliste blogueuse, Daphne Caruana, fut tuée par une bombe placée dans sa voiture. La Maltaise de 53 ans était en train d’enquêter sur des scandales de blanchiment d’argent et corruption liant les dirigeants politiques de Malte avec le crime organisé.
Après l’arrestation du principal suspect, un homme d’affaire d’influence, le premier ministre de Malte Joseph Muscat déclara le 29 novembre 2019 que l’homme incriminé ne bénéficiera pas de l’immunité. Le businessman proposait en effet d’échanger ses informations afin d’échapper aux condamnations.
Cette affaire, présentée au Parlement européen, éveilla l’indignation en séance plénière le mois dernier et évoque non seulement l’idée même des principes européens mais aussi leurs mécanismes de sauvegarde.
Une levée générale pour la défense des principes fondateurs européens.
Mardi 17 décembre, les eurodéputés entamèrent le point d’ordre du jour en déclarant la nécessité absolue de défendre l’État de droit. En effet, comme le dit Anna Jùlia Donath (Renew Europe), "quand les droits fondamentaux sont violés, c’est à toutes nos valeurs que l’on s’en prend".
De même son homologue Caroline Voaden (Renew Europe) rejoignit ses collègues en prenant à témoin le Parlement, soulignant que "cet acte odieux fait écho à d’autres crimes comparables contre des lanceurs d’alertes et des militants pour la liberté sur le territoire même de l’Union". Elle demande à ce que la réaction soit immédiate. Les élus sociaux-démocrates ajoutèrent que la protection des journalistes doit être effective.
"L’indépendance de la justice est une obligation si l’on veut lutter efficacement contre les affaires de corruption et de blanchiment d’argent", souligna Sven Giegold (Verts/ALE). Celui-ci justifia que la Commission soit pleinement légitime pour intervenir puisque le crime organisé qui s’étend par delà les frontières est l’affaire de tous. Il est donc du devoir de la Commission de défendre l’intérêt général de l’Union européenne en invoquant si nécessaire le principe d’obligation de coopération loyale de l’État maltais envers les autres États membres.
Le Parlement attend en effet une réponse immédiate et d’envergure en exigeant une enquête indépendante.
Une réponse par l’emploi de mécanisme institutionnels
Afin de se donner les moyens d’une réaction forte, "il faut que le sujet soit abordé au Conseil qui doit savoir agir avec courage", soutint Fabienne Keller (Renew Europe). Cette idée fut rejointe par les représentants du PPE farouchement déterminés à faire la lumière sur cette affaire qui atteint toute la communauté démocratique.
Plus encore, dans l’idée d’une solidarité de justice, des mesures d’ampleurs doivent être mises en pratique. A cette fin, la commission de Venise fut mentionnée de façon consensuelle par les élus PPE, Renew et S&D Cette instance, composée d’experts indépendants, a pour mission d’apporter un soutien aux Etats membres dans la construction d’institutions juridiquement et constitutionnellement aux normes démocratiques et respectant les droits de l’homme. Ici, il s’agit de proposer une refonte à titre curatif pour l’Etat défaillant.
De même Europol trouva chez les parlementaires une place de choix afin d’informer au mieux sur les événements de l’affaire. Pour la sociale-démocrate Lopez-Aquilar (S&D), les enquêteurs doivent trouver une ampleur maximale d’investigation qui doit passer par le partenariat Europol-FBI afin de lutter efficacement contre la Mafia.
Une problématique qui suscite des remous
L’émotion des uns et des autres suscita un renvoi de responsabilité entre les partis. Si le S&D évoqua la responsabilité de la Commission dans l’affaire, le PPE rétorqua que les sociaux-démocrates font deux-poids-deux-mesures car ne dénonçant pas les crimes comparables en Turquie, en Chine et en Russie.
L’élu Stelios Kouloglou (Gauche unitaire européenne) soulève par cet événement tragique le problème des paradis fiscaux auquel la mafia serait liée. Cette affaire serait en effet un symptôme et non pas la cause.
Les indépendants se joignirent aux principes de défense des journalistes mais dénoncèrent le scandale des « golden passports ». A Malte il serait possible d’acheter à prix d’or des documents d’identité permettant l’accès à l’Union européenne. Pour l’extrême droite dont Jordan Bardella et Jérôme Rivière, voici une preuve que les institutions seraient corrompues et commercent avec la « voyoucratie ».
Pour la Commission, garante de l’intégrité de l’Union : Justice doit être faite ! Didier Reynders, commissaire à la justice clôtura le débat en annonçant qu’Europol se tient à disposition des autorités maltaises afin de satisfaire à la progression des investigations. De même la Commission se doit de soutenir le pluralisme et l’indépendance des journalistes et promouvoir la culture de l’État de droit.
La Commission se compare ainsi à une boîte à outil pour les autorités nationales. Un des outils mis à disposition est en effet la consultation de la commission de Venise mentionnée déjà par les eurodéputés.
Enfin, pour lutter contre le phénomène des golden passports sera mis en œuvre un nouveau mécanisme qu’il faudra débattre au sein du Conseil.
Suivre les commentaires : |