Tony Blair, ancien premier ministre britannique, Andrej Babis, premier ministre tchèque, sans oublier les français Dominique Strauss-Kahn, homme d’affaires, Sylvain Maillard eurodéputé LREM (Renew), et Nicolas Perruchot, ancien député UMP. Tous sont impliqués de près ou de loin dans le scandale des Pandora Papers. Des noms familiers qui mettent en évidence les failles de notre système, et ébranlent la confiance des citoyens dans des politiques censés lutter contre l’évasion fiscale. Les Pandora Papers dévoilent que certains, a contrario, décident de les exploiter.
“Il faut sortir de l’hypocrisie dans la lutte contre l’évasion fiscale” commente Eric Bocquet, sénateur communiste du Nord lors d’un entretien avec Public Sénat, le 04 octobre 2021. Ces propos font réagir et posent la question de la réelle volonté politique de nos dirigeants quant à l’évasion fiscale.
Un système partiellement légal
“Le problème qui se pose aujourd’hui c’est que le système n’est pas remis en cause”, analyse Vincent Vicard, économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII) pour le Taurillon. Un système législatif en Europe qui autorise le recours à des sociétés dites offshore dont l’activité est fictive. Au-delà du détournement d’argent, ce type de structures est prisé pour sa capacité à créer de l’opacité.”C’est-à-dire à faire en sorte que l’on ne sache pas qui sont les bénéficiaires de ces entreprises”, poursuit l’économiste.
Une "zone grise" fiscale européenne qui profite aux plus riches…
S’abstraire des lois nationales n’est pas toujours illégal, et reste bien souvent sans poursuites judiciaires dans la majorité des pays concernés. Un manque de transparence des politiques qui laisse place à l’émergence de zones grises, c’est-à-dire d’espaces dérégulés échappant au contrôle des États. Ces espaces profitent en premier lieu aux grandes fortunes privées et aux entreprises en leur permettant de s’affranchir de leurs devoirs de contribution à l’impôt, privant en retour les Etats de ressources financières indispensables.
L’économiste français Gabriel Zucman est catégorique : c’est près de 17 milliards d’euros qui sont perdus chaque année à cause de ce processus. Alors que la précarité ne cesse d’augmenter - on recense 1 million de plus qui s’ajoutent aux 9 millions de français qui vivent en dessous du seuil de pauvreté mondial - et que les inégalités se creusent. Notamment à cause de la pandémie de Covid-19, on note une augmentation de 10 200 milliards de dollars pour l’année 2020 pour les plus grandes fortunes mondiales. Les méthodes utilisées sont diverses et complexes mais surtout extrêmement coûteuses. Par exemple, il y a des montages financiers pour ne pas déclarer aux impôts des villas en passant par des sociétés écrans qui dissimulent des sommes faramineuses par le biais d’avocats et d’intermédiaires qui vont créer ces structures et les gérer. Il s’agit d’un système qui “accentue les inégalités préexistantes” et qui, en ce sens “bénéficie aux plus riches qui ont les moyens de payer ces services-la”, commente Vincent Vicard.
… mais un système rejeté par les citoyens
En 2017, à l’occasion de la publication des Paradise Papers, un sondage d’Oxada, institut d’étude indépendant, montre que 75% des français considèrent que la fraude fiscale n’est pas assez sanctionnée. Un résultat qui démontre que la fracture entre citoyens et politiciens ne cesse de s’intensifier. Quatre ans plus tard, les Pandora Papers ne sont pas non plus sans conséquences sur l’opinion publique. Le 9 octobre, quelques jours après les révélations, le premier ministre et milliardaire tchèque Andrej Babiš perd les élections législatives, alors que les sondages le donnaient favorable.
Face aux fraudeurs, des sanctions au programme ?
La spécificité des Pandora Papers est qu’ils montrent l’évolution des paradis fiscaux et des sociétés écrans depuis les années 90 jusqu’à maintenant. L’Union européenne semble laisser faire les fraudeurs, avec son paysage fiscal qui s’observe sous le prisme de l’augmentation de l’utilisation des sociétés écrans et la continuité des paradis fiscaux. Constat que souligne l’eurodéputé belge vert Philippe Lamberts, en spécifiant que deux tiers des sociétés offshores du scandale des Pandora Papers sont localisées aux îles Britanniques ne figurent pas dans la liste noire des paradis fiscaux de l’UE dans un tweet du 05 octobre 2021. Un manque de volonté qui est fortement critiqué par le Parlement européen, qui exige des mesures plus strictes par le biais d’enquêtes, de sanctions et de plus de transparence de la part des élus.
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