Parlement européen : Après un an de conflit en Ukraine, quelle stratégie pour l’Europe ?

, par Baptiste Cligny

Parlement européen : Après un an de conflit en Ukraine, quelle stratégie pour l'Europe ?
Josep Borrell, Haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, lors de son discours devant le Parlement européen. Crédit : Parlement européen

Depuis le 24 février 2022, le monde retient son souffle devant l’agression Russe sur le territoire ukrainien. Avec le retour des coups de canons et de la guerre de position sur le sol européen, l’Union européenne a pris ses responsabilités en soutenant le pays agressé sur le plan économique et militaire. Alors que le conflit s’enlise et que les pertes augmentent, le Parlement européen doit trouver un consensus en faveur de l’intensification, ou non, du soutien à l’Ukraine.

La troisième journée de la plénière de février 2023 au Parlement Européen a débuté avec la prise de parole du Haut Représentant de l’UE Josep Borrell Fontelles et de la présidente de la Commission européenne Ursula Von Der Leyen. Josep Borrell a livré un discours rassembleur : tout en affirmant que toute aide est nécessaire et que le temps « se paye en vie humaine », il ne s’oppose pas à la voie diplomatique qui, si elle existe, peut être complémentaire à l’aide militaire. Selon lui, les ukrainiens défendent les frontières de l’Europe. Le combat contre les forces russes et le groupe Wagner en Ukraine aura une influence sur les opérations russes en Afrique et partout dans le monde. Lors de son intervention, Ursula Von Der Leyen a défini la stratégie de l’Union Européenne en trois points : aider le peuple ukrainien par tous les moyens possible, miner l’économie Russe et construire un avenir Européen avec l’Ukraine. La présidente de la Commission a ensuite livré le bilan des mesures d’aides et de sanctions prises à l’encontre du Kremlin en 2022. 67 milliards d’aide militaire, financière, énergétique et humanitaire ont été envoyés à l’Ukraine en 2022. Cette aide a permis à l’armée ukrainienne de résister “héroïquement” aux attaques. Elle décrit Poutine comme isolé sur la scène internationale, à la tête d’une économie déficitaire de 160 millions d’euros par jour depuis la baisse des prix du gaz et contraint de vendre le stock d’or Russe par manque de trésorerie. Pour 2023, La présidente de la Commission souhaite l’intensification de l’aide et l’élargissement des sanctions avec comme nouveauté un blocus commercial et technologique ainsi que des sanctions à l’encontre de l’Iran, fournisseur en drone de la Russie. C’est sur un « Vive l’Europe ! Slava Ukraina ! » qu’Ursula Von Der Leyen terminera son intervention, formule qui sera reprise par un grand nombre de députés.

Suite à l’intervention des représentants de la commission, des élus issus des différentes forces politiques se sont exprimés. Les groupes PPE et Renew ont déroulé un argumentaire très favorable à l’envoi de toutes les armes, véhicules et munitions nécessaires à la défense de l’Ukraine. A chaque prises de parole, les députés de droite n’ont pas mâché leurs mots ni à l’endroit de Vladimir Poutine, ni sur la complaisance de l’extrême droite ou le pacifisme de l’aile gauche de l’hémicycle. Rasa Jukneviciené (PPE) a appelé à « lutter contre les marionnettes de Poutine chez nous ! », là où Manfred Weber (PPE) a fustigé la gauche et sa réticence à surenchérir dans l’engrenage de la guerre. Nathalie Loiseau, représentante du groupe Renew a pris position pour plus d’armes, plus de sanctions et contre la voie diplomatique. « Un conciliateur, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant être mangé en dernier », a-t-elle déclaré, reprenant une saillie de Winston Churchill. Par ailleurs, le député Esteban Gonzalez (PPE) a été le seul à dénoncer la Chine et l’Inde qui font office de partenaires de secours dans les domaines où l’union sanctionne la Russie. Dans toutes les prises de paroles, les députés de droite ont suivi la ligne des représentants de la commission en qualifiant Poutine de « monstre nostalgique de l’URSS ». Ils sont pour l’envoi massif et rapide d’armements de tous types et favorables à une Ukraine membre de l’union européenne.

Les députés de l’Alliance Progressiste des Socialistes et Démocrates (S&D) ainsi que les représentants des Verts ont également manifesté leur soutien franc à l’Ukraine envahie. Ils se sont prononcés pour l’envoi rapide d’armes tout en défendant la possibilité de faire co-exister cet envoi d’armes avec une stratégie diplomatique. Bien qu’opposé à l’aide militaire aux premiers jours de la guerre, le groupe The Left est dans l’ensemble favorable à l’envoi de moyens militaires. L’eurodéputée Sylvia Modig a même profité de sa prise de parole pour se prononcer en faveur d’une reconstruction de l’Ukraine à charge Russe. Mick Wallace, qui votait contre l’aide militaire en mars 2022 dans ce même hémicycle, a lui exprimé son inquiétude pour l’Europe et s’est opposé au retour de la Crimée en Ukraine. L’aile gauche du parlement européen a également mis un point d’honneur à dénoncer les positions de l’extrême droite, en faisant référence aux récents propos pro-Poutine de l’eurodéputé et ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi. Après plusieurs prises de paroles favorables à la voie diplomatique de la part des élus Identité et Démocratie (ID), Le député S&D Pedro Marques a appelé à une « épuration des propos déplacés de l’extrême droite ».

« Battez-vous maintenant et gagnez cette guerre ! » furent les derniers mots au pupitre du député Jaak Madison du groupe Identité et Démocratie. Au cours d’une prise de parole musclée, M. Madison a mis en cause l’Union Européenne pour son inaction devant l’impérialisme russe et l’hypocrite poursuite du business Russie-Europe malgré l’annexion de la Crimée en 2014. L’élu ID a également critiqué l’attente timorée d’Olaf Scholz pour l’envoi des chars Leopard à l’Ukraine. Selon lui, « la guerre a commencé il y a neuf ans », une opinion aussi tranchée que rare dans le groupe d’extrême droite. Une majorité de représentants ID ont quant à eux préféré soutenir une approche diplomatique dans le but d’éviter l’escalade. Certains sont allés plus loin, comme Harald Vilimsky, député autrichien, qui s’est opposé à l’envoi de moyens militaires à l’Ukraine, avant de rejoindre son siège sous les hués des autres groupes de l’hémicycle. Entre défense de la Hongrie et de Berlusconi, citation du Pape et apologie de la discussion avec le Kremlin, l’extrême droite européenne a tout de même reconnu qu’une aide devait être apportée aux Ukrainiens et que des sanctions devaient être prises contre la Russie.

Le débat s’est clos sur une dernière prise de parole de Josep Borrell Fontelles qui a rappelé l’importance du consensus pour voter la résolution à voter le lendemain. Rassembleur, le responsable des affaires étrangères de la commission à admis des paradoxes dans la réaction européenne en 2014 et a ré-affirmé la volonté de la commission de faire de l’Ukraine une nation européenne. Dans l’ensemble, le parlement est décidé à renforcer son soutien jusqu’à la victoire de l’Ukraine, prenant ainsi définitivement position aux côtés de l’Ukraine dans l’un des plus importants conflits sur le sol Européen depuis 1945.

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