Plaidoyer pour Schengen face à la menace terroriste

, par Maximilien Struys

Plaidoyer pour Schengen face à la menace terroriste
Donald Tusk sonne l’alarme et annonce une possible fin de Schengen si la crise des réfugiés ne trouve pas de solution. - © European Union 2015 - European Parliament (CC/Flickr).

Face à la menace terroriste et à l’afflux de réfugiés, de nombreux Etats européens remettent en cause les accords de Schengen. Donald Tusk, président du Conseil européen, annonce leur mort dans deux mois si aucune solution n’est trouvée à ces crises. Or les accords de Schengen n’y sont pour rien.

Le vendredi 13 novembre 2015, Paris pleure la mort d’innocents tombés sous le feu de la barbarie. La France est confrontée aux attaques les plus sanglantes jamais recensées sur son territoire ces dernières années. Six attaques simultanées, comprenant des attaques à la bombe et des fusillades, mènent au bilan tragique de 129 morts et 352 blessés dans les Xe et XIe arrondissements ainsi qu’aux abords du stade de France où se déroulait le match France-Allemagne. A la suite de ces attaques, l’état d’urgence est instauré sur tout le territoire français, témoignant de la gravité des événements et de l’inquiétude de voir se produire de nouveaux attentats. La France, l’Europe et le monde sont sous le choc.

Le repli national au détriment du combat commun

Plus inquiétants encore que le vent de panique et de paranoïa qui balayent la France et le reste de l’Europe furent la réaction et la récupération de l’événement par certains partis politiques présentant la fin de l’espace Schengen comme mesure ultime de protection contre les menaces en provenance de l’extérieur. Par ce discours, ces partis politiques font l’apologie de la peur, de l’isolement et jouent ainsi le jeu de l’État Islamique (EI).

En effet, l’EI cherche avant tout à semer la peur, la discorde et la division au sein de l’Europe et de l’Occident en perpétrant des attaques barbares sur son territoire. En se repliant sur eux-mêmes et en s’isolant, les Européens se rendent faibles. En revanche, en se rapprochant et en faisant front avec voisins, amis, alliés et je me risquerais à dire nos frères d’armes, les Européens leur prouvent qu’ils ont échoué dans leur guerre de terreur, qu’en ayant voulu nous diviser, ils nous ont rapprochés et unifiés autour d’un but commun, le combat contre le fanatisme, la barbarie et l’obscurantisme.

Parachever l’union pour préserver la libre-circulation

La décision de réinstaurer le contrôle aux frontières nationales des pays de l’espace Schengen de manière temporaire ne signifie en aucun cas un premier pas vers la fin ou la mort de cette zone de libre circulation si chère à l’Europe. En effet, l’article 2.2 de la Convention de Schengen autorise les États à rétablir provisoirement des contrôles aux frontières nationales dans le cas de circonstances exceptionnelles. La fermeture temporaire est donc possible sans pour autant que cela mette un terme à l’espace Schengen. Elle est même nécessaire sur le court-terme en ces temps de crise afin de permettre aux États européens de se réorganiser face à la menace pour la sécurité que représente les risques d’attentats, face à l’afflux de réfugiés dont il faut assurer l’accueil.

Ce qu’il faut tirer de cette suspension momentanée de la libre circulation des personnes, ce n’est pas l’échec. Non, ce qu’il faut retenir, c’est que l’Europe, dès à présent, se doit d’adopter une politique étrangère commune, de sécurité, d’asile et d’immigration, afin de pouvoir mettre en place un meilleur contrôle des frontières de l’Europe dans sa globalité mais également de mieux se faire entendre sur la scène internationale. Chaque État européen, s’il agit seul, ne pourra rien faire sinon effleurer le problème. Il faut que ces États s’unissent et mettent leurs divergences de côté afin de pouvoir s’exprimer d’une seule voix face à cette menace qui plane sur le mode de vie et les valeurs occidentales.

Abolir Schengen ne résoudra pas la crise des réfugiés et les questions d’intégration

Selon le parquet de Cologne, à la suite des incidents de la Saint Sylvestre, un total de 766 plaintes (un chiffre qui ne cesse de croître) dont 497 plaintes pour agression sexuelle est rapporté par la police allemande. Ces agressions ont rapidement été attribuées aux migrants qui affluent massivement en Allemagne et sur l’ensemble du territoire européen depuis le début de la crise syrienne, plus d’un million de demandeurs d’asile ayant été rapporté en Europe en 2015. L’enquête menée par la police allemande a confirmé ces soupçons en attribuant ces agressions à des jeunes hommes d’origine maghrébine et en provenance d’autres régions du monde arabe, relançant ainsi le débat sur la politique d’accueil des réfugiés en Allemagne et de façon plus générale sur la politique d’intégration des migrants.

De plus, puisque tous les arguments sont bons pour les ennemis de l’espace Schengen et de l’Europe, certains clament que les difficultés auxquelles font face les citoyens allemands et auxquelles les citoyens d’autres pays européens pourraient bientôt faire face est le résultat d’une politique européenne fébrile et non conséquente face à l’immigration. Selon ces derniers, la solution à ce problème d’ordre public et de sécurité intérieure serait, à défaut de sortir de l’Union européenne, de sortir de l’espace Schengen. Encore une fois, bien que la suspension de l’espace Schengen soit nécessaire pour une certaine période limitée dans le temps, sa suppression ne changera pas pour autant le problème d’afflux de migrants vers les Etats membres.

En effet, à la mi-septembre 2015, l’Allemagne et l’Autriche avaient demandé à Bruxelles l’autorisation d’effectuer un contrôle aux frontières qui est passé à 6 mois en novembre. Cette décision n’a cependant pas réglé le problème auquel font face ces deux pays. Le Luxembourg a proposé pour ces mêmes pays la possibilité de réintroduire un contrôle aux frontières nationales pour une durée de deux ans alors que les accords de Schengen ne prévoient en principe pas de délai supplémentaire.

Face à cette crise sécuritaire, quelles solutions envisager ? Une politique commune harmonisée et plus forte, un remaniement du fonctionnement de l’Union européenne sur le plan international, un renforcement au sein de l’Union des axes de coopération autour desquels sont organisés les acquis de Schengen, c’est-à-dire le contrôle des frontières extérieures et le renforcement de la coopération judiciaire et policière semblent plus constructifs et plus intéressants pour l’avenir que l’abandon de ce bateau des 28 qui semble depuis quelques temps devoir naviguer contre vents et aux marées.

Vos commentaires
  • Le 3 février 2016 à 11:21, par brouchtoukai En réponse à : Plaidoyer pour Schengen face à la menace terroriste

    Puisque l’EU n’est pas capable d’avoir de frontières , ils est nécessaire impérativement que la France et les autres pays prennent leurs dispositions devant une telle défaillance ! De toute façon tout cela est voulu et dirigé depuis très longtemps pas le commission Européenne . Il suffit de lire attentivement la constitution pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivé là !

  • Le 3 février 2016 à 17:22, par brouchtoukai En réponse à : Plaidoyer pour Schengen face à la menace terroriste

    Combat commun , c’est une bonne blague ! Les pays constituants l’EU n’ont pas grand chose à voir entre eux ; Comme si un Grec avait les même préoccupations qu’un Suédois , ou un Allemand qu’un Grec . Une bonne plaisanterie !

  • Le 5 février 2016 à 23:02, par Alexandre Marin En réponse à : Plaidoyer pour Schengen face à la menace terroriste

    @brouchtoukai

    quand vous dîtes que Schengen est dirigé par la commission européenne, c’est en grande partie faux. Elle est dirigée par les Etats, et les « gardes frontières » européens sont pour l’instant les gardes frontières des pays de l’UE qui ont une frontière avec des Etats hors de l’UE : Grèce, Italie, France, Espagne, Pologne, etc.

    Puis quand vous dîtes que les pays européens n’ont pas les mêmes préoccupations, c’est aussi en partie faux : tous les pays de l’UE ont intérêt à lutter efficacement contre le terrorisme, l’évasion fiscale, le réchauffement climatique, pour ne prendre que ces exemples.

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