Coup de théâtre en Pologne. La Première ministre en poste Beata Szydlo a démissionné jeudi dernier, mise à l’écart par Jaroslow Kaczynski, le président du parti conservateur Droit et Justice (PiS). Cela intervient un mois seulement après la rencontre entre Beata Szydlo et Emmanuel Macron afin de mettre les choses à plat après leurs désaccords sur le travail détaché l’été dernier. Elle sera remplacée par le ministre des Finances et ancien banquier Mateusz Morawiecki, considéré comme plus à même pour tenter d’apaiser les tensions avec l’Union européenne.
Beata Szydlo, seule contre tous
Première ministre depuis 2015, son gouvernement a proposé des réformes menaçant l’État de droit, qui ont fait de la Pologne l’ennemi n°1 de l’Union européenne, avec la Hongrie. En effet, la condition fondamentale pour faire partie de l’Union est de respecter l’État de droit. Or, la Pologne tombe doucement sous le joug de l’autoritarisme déguisé, un réel danger pour la démocratie. Depuis peu l’État ne publie plus par exemple les décisions du tribunal constitutionnel, garant du respect de la Constitution.
Première ministre ultra-conservatrice, elle a vivement critiqué la politique migratoire de l’Union européenne en 2015. Elle a notamment refusé de se plier au programme de répartition des réfugiés syriens au sein de l’Union et de les accueillir sur son sol. Elle avait déclaré que les Polonais étaient très soucieux de leur sécurité. Certains membres de son gouvernement pensaient même que les réfugiés étaient des terroristes. L’Union européenne envisage de retirer le droit de vote à la Pologne en raison des politiques qu’elle mène, qui sont en contradiction avec les valeurs de l’Union.
Suite à ce remaniement, Beata Mazurek, la porte-parole du parti a déclaré aux journalistes : « On voit comment on est perçu à l’étranger, quelles sont nos relations avec nos partenaires, pourquoi on est soutenu, pourquoi on est attaqué, comment sont perçues à l’étranger les actions non seulement du gouvernement, mais également de différentes organisations. Tout cela a eu une influence en faveur d’une telle décision ». Parachutée au poste de Première ministre grâce au très controversé Jaroslow Kaczynski, son mentor, Beata Szydlo est mise à l’écart par ce dernier en raison de son euroscepticisme. Elle devrait cependant occuper le poste de vice-Premier ministre.
Mateusz Morawiecki pour apaiser les tensions avec l’UE ?
Mateusz Morawiecki, le nouveau Premier ministre, polyglotte, a fait ses études en Pologne, aux États-Unis, en Suisse et en Allemagne. Président de la Bank Zachodni WBK jusqu’en 2015, il entre au gouvernement du PiS comme ministre du Développement et vice-Premier ministre. En 2016, il devient également ministre des Finances. Il a réussi à s’attirer les faveurs du chef du parti Jaroslow Kaczynski, devenant ainsi le nouveau Premier ministre. L’objectif de cette nomination est d’adoucir l’image de la Pologne au sein de l’Union européenne.
Homme politique beaucoup plus modéré que Beata Szydlo et bénéficiant de la confiance totale de Jaroslow Kaczynski, il met en place le « plan Morawiecki » lorsqu’il est ministre des Finances. D’inspiration keynésienne, ce plan consiste à rendre la Pologne moins dépendante des capitaux étrangers et à reprendre le contrôle du secteur bancaire. Parallèlement à cela, il instaure une vaste politique d’allocations familiales afin de lutter contre la pauvreté tout en ayant une vision « pro business ».
Ce fervent défenseur de l’État-providence aura à mener plusieurs batailles. La première d’entre elles, retrouver la confiance de l’Union européenne, qui, la veille sa nomination, a décidé de renvoyer la Pologne devant la Cour de justice de l’UE en raison de son refus d’accueillir son quota de migrants. Plus modéré et "UE-compatible", Mateusz Morawiecki n’en reste pas moins le poulain de Jaroslow Kaczynski, celui qui distribue réellement les cartes et contrôle la politique du gouvernement.
Cet article a été initialement publié sur Eurosorbonne
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