La chute de l’Union Soviétique et la sécurité de la nouvelle Europe orientale
Avec la dissolution officielle de l’URSS, prononcée le 25 décembre 1991, la priorité fut accordée au retrait pacifique des armées russes ex-soviétiques toujours postées dans les pays de l’ancien bloc de l’Est. Après d’âpres négociations, la Russie se résolut finalement au retrait de ses troupes en 1993 comprenant deux-cent-mille soldats et deux cents têtes nucléaires (!). La Pologne, dont les premières élections libres s’étaient tenues en 1989, ne recouvrit donc sa pleine souveraineté que quatre années plus tard. Ce processus s’étendit de manière ordonnée à toute l’Europe centrale et orientale, sauf en Moldavie où l’armée russe intervint en soutien aux séparatistes de la “République du Dniestr”. La Pologne, qui n’avait la Russie à ses frontières que par l’exclave de Kaliningrad, s’attacha à défendre l’intégrité de l’Etat ukrainien, notamment après le Mémorandum de Budapest conclu en 1994 et qui prévoyait la rétrocession des armes nucléaires ukrainiennes à la Russie en échange de la reconnaissance par cette dernière de l’inviolabilité du territoire de la nation ukrainienne. Finalement, cinq années après les premières élections libres tenues en Pologne, l’Europe de l’Est voyait ses frontières se stabiliser et cela ouvrit ainsi l’espoir d’une grande zone de prospérité bâtie sur les ruines des drames d’hier.
Le retour à l’Europe de la Pologne et l’espoir d’une libéralisation russe
Après les enjeux sécuritaires relatifs à l’effondrement de l’empire soviétique, à savoir les retraits des forces russes des pays nouvellement indépendants, le débat politique polonais se réarticulat autour de la question du “retour à l’Europe”. Il s’agissait, en clair, pour la nation polonaise, de s’engager dans la voie d’une coopération plus étroite vis-à-vis des structures euro-atlantiques dont le pays avait été tenu à l’écart du fait de l’occupation soviétique. En Russie, la transition à l’économie de marché s’effectua dans une violence inouïe qui plongea le pays dans une profonde crise économique et sociale. Le PIB se contracta lourdement, la Russie perdit de précieuses industries et le nombre de décès par mort violente flamba, tandis que le pays devait faire face aux velléités d’indépendance de la Tchétchénie. La violence de la période de libéralisation jeta le discrédit sur les institutions nouvelles de la Fédération de Russie, présidées par Boris Eltsine. Dans ce contexte de crise générale au sein de la société russe, Vladimir Poutine fut appelé au poste de Premier Ministre en 1999. Ce fut sous la direction de Poutine que la société russe renoua avec une forme de stabilité au cours des années 2000, tout en nouant un dialogue sécuritaire approfondi avec l’OTAN. Les relations polono-russes se réchauffèrent sur fond de développement rapide du commerce bilatéral. Ces évolutions ne furent pas notablement contrariées par l’adhésion de la Pologne à l’OTAN en 1999, précédant celle à l’Union Européenne en 2004.
De la crise de confiance polono-russe à la guerre d’Ukraine
Alors que la Pologne et la Russie avaient renforcé leur interdépendance économique, l’inflexion de la politique étrangère russe brouilla rapidement la confiance (relative) qui avait pu s’établir entre les deux pays. Prenant prétexte de la protection de minorités russophones présentes en Abkhazie et en Ossétie du Sud, les troupes russes entrèrent en Géorgie en 2008 et malgré la signature rapide d’un cessez-le-feu, les deux régions séparatistes ne virent pas leur indépendance de facto remise en cause depuis. En plus de la Moldavie, la Géorgie devenait le second pays post-soviétique au sein duquel des soldats russes soutenaient illégalement des séparatismes. Pour Varsovie, Moscou redevenait plus que jamais la première menace à la paix et la stabilité régionales. Il s’agissait dorénavant, pour la Pologne, de soutenir l’intégrité de tous les pays post-soviétiques d’Europe orientale afin d’éviter que ces derniers ne tombent dans le giron russe. En ce sens, le gouvernement polonais soutint activement la conclusion du Partenariat Oriental de l’Union Européenne visant à renforcer la coopération politique et l’interdépendance économique vis-à-vis de la Biélorussie, de l’Ukraine, de la Moldavie, de l’Arménie, de l’Azerbaidjan et de la Géorgie. Au sein de l’OTAN, la Pologne insistait pour le renforcement du soutien au flanc Est exposé à la menace russe. Il fallut attendre l’annexion de la Crimée et le déclenchement de la guerre du Donbass pour que l’Alliance Atlantique renforça son aide militaire à la Pologne et aux pays baltes. Les relations sécuritaires se dégradèrent rapidement entre la Pologne et la Russie, jusqu’en 2020 date à laquelle Poutine intervint en soutien à Lukashenko dont la réélection à la présidence de la Biélorussie avait fait l’objet d’une grande révolte populaire. La Pologne, frontalière vis à vis de la Biélorussie, avait toutes les raisons de s’inquiéter lorsque les armées russes lancèrent en février 2022 leur assaut sur la capitale ukrainienne depuis le territoire de Minsk, rompant la paix interétatique en Europe. La Pologne fut le pays qui, le premier, s’engagea officiellement aux côtés de l’Ukraine et lui fournit le plus d’armements en rapport avec son PIB. Le conflit interposé polono-russe en Ukraine modifia dans de grandes proportions les équilibres régionaux qui prévalaient jusqu’alors, avec une plus grande responsabilité de la Pologne quant à la sécurité générale et au regard des pays baltes notamment mais aussi un rejet structurel de l’attractivité russe dans ses anciens territoires soviétiques et dans le monde en général.
Pologne-Russie, espoirs déçus
Malgré l’espoir d’un rapprochement au cours des années 90, la dégradation extrême des relations russo-polonaises ouvrit un nouveau champ d’intense compétition géopolitique entre les deux pays, chacun des deux essayant d’influer sur l’ensemble des acteurs régionaux afin de faire prévaloir ses intérêts considérés comme prioritaires.
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