Pour dénoncer les atteintes à leurs droits, les femmes polonaises s’organisent dans le monde

, par Jérôme Flury

Pour dénoncer les atteintes à leurs droits, les femmes polonaises s'organisent dans le monde
Manifestations pour défendre les droits des femmes de Pologne, en octobre dernier à Paris. Photo : Chris Dyn

Un conseil international des femmes polonaises se structure depuis la fin d’année 2020, dans l’objectif d’exercer une pression collective et d’organiser des événements à plus grande échelle, dans divers pays, pour dénoncer les actes de leur gouvernement.

Nous nous sommes rendu compte qu’on était très nombreuses et éparpillées dans divers groupes. On a commencé à faire des réunions par Zoom avec cette envie commune de s’engager pour notre pays.Inès fait partie du bureau de l’association française l’Association Défense de la Démocratie en Pologne. Elle est revenue récemment pour Le Taurillon sur une nouvelle initiative inédite en son genre menée par les femmes de la diaspora polonaise du monde entier. Le “Polonijna Rada Kobiet”, Conseil international des femmes de Pologne, a été mis en place en début d’année 2021 et se structure depuis plusieurs semaines, avec un slogan simple “Together we can”.

Nous avons toutes envie de nous engager pour notre pays. Alors unissons nos forces.” Le discours peut sembler simple, mais il n’était pas aisé de faire émerger cette nouvelle organisation qui ne connaît pas de frontières. La “Polonia”, nom donné à la diaspora polonaise, est large. Des millions de personnes originaires de Pologne et descendants de Polonais vivent hors de leur pays d’origine sur la planète. Des communautés importantes existent en France, aux États-Unis, au Bélarusse, en Russie, en Allemagne, au Brésil ou au Royaume-Uni particulièrement. Et cette “Polonia” est “un marqueur identitaire et un support à l’action” majeur.

Un lancement officialisé le 8 mars

L’idée a donc été de rassembler les initiatives existant déjà dans divers États. Au départ, Inès parle de “80 femmes polonaises situées partout dans le monde” comme instigatrices du projet. Inès avait manifesté à Paris le 25 octobre dernier, puis à nouveau le 13 décembre. De tels rassemblements avaient lieu dans une quinzaine de pays. “Chaque pays en général a ses groupes sur les réseaux sociaux, qu’il s’agisse de questions politiques ou culturelles, car dans ces derniers on peut parler de festivals et de cuisine”, expliquait Inès il y a quelques mois. La volonté a alors été de “structurer” ce potentiel, “pour faire cela de manière plus ambitieuse”. “Cela” ? Se battre pour leurs droits. “Le Conseil est soutenu par des associations dans différents États, notamment féministes, et la première échéance est la date du 8 mars”, précisait Inès fin février. À l’occasion de la Journée internationale pour les droits des femmes, ce nouveau “Conseil” a en effet organisé quatre soirées de conférences thématiques. Ce cycle de conférences du “8 mars au-delà des frontières” a véritablement lancé l’organisation. Le droit à l’avortement, la diaspora polonaise féministe et ses alliés, l’ “herstory” des commémorations de la Journée de lutte pour les droits des femmes et la manière d’empêcher les violences à l’égard des femmes étaient les quatre thématiques explorées dans ce cycle de conférences. Toutes les séquences affichent entre 400 et 1 800 vues sur Facebook.

Les Polonaises plus que jamais mobilisées

Des femmes qui parlent de femmes, avec une envie de faire bouger les lignes. “C’est tout de suite plus efficace”, souligne Inès. “Les divers groupes étaient plus ou moins structurés selon les pays. Là nous avons une structure qui permet de tout coordonner." Des réflexions plus larges sont menées, comme sur la “grammaire polonaise” et la “difficulté de maintenir une neutralité sexuelle” dans les échanges. “Comme nous sommes à l’étranger, notre potentiel d’impact direct est limité. La problématique qu’on se pose souvent est celle des actions à mener pour donner de la visibilité à la cause”, développe la jeune femme. Avec ce nouveau Conseil, l’idée est aussi de rencontrer d’autres institutions. Et pourquoi pas de “frapper à la porte des politiques, notamment de l’UE”. De manière générale, quelque chose semble avoir changé dans les esprits des Polonaises, à l’étranger comme au sein même de leur pays. L’autrice Agnieszka Żuk revient sur les évolutions récentes des engagements et des manifestations de Polonaises dans un article détaillé publié sur le Courrier d’Europe centrale. “La révolte des femmes dont le cri de ralliement est Le patriarcocène, c’est fini ! (Koniec dziadocenu !) semble en effet constituer la manifestation flagrante et spectaculaire d’une transition culturelle en cours et d’une remise en cause radicale de l’ordre social sur lequel repose la Troisième République de Pologne, fondée en 1989, au moment de la chute du communisme.” Agnieszka Żuk ajoute que “ces protestations diffèrent radicalement des précédentes”.

La présence de la Pologne à la Convention d’Istanbul fragilisée

Après ce lancement officiel en mars, le Conseil a à nouveau proposé un débat le 14 avril, afin de rencontrer “des activistes d’origine polonaise travaillant dans de nombreux pays autour du monde, qui unissent leurs forces à des représentants de leurs organisations féministes locales”. Le nouvel organisme communique en polonais et en anglais, ce qui permet de donner plus de visibilité à ses publications. Depuis sa création le 25 janvier, la page facebook du collectif affiche près de 500 abonnés. “Le travail est encore en cours pour formuler des objectifs précis, principes éthiques et un manifeste politique basé sur des modes d’actions innovants, modernes et féministes”, annonce le “Polonijna Rada Kobiet”. Les questions d’ordre pratique comme celle de se déclarer et d’enregistrer officiellement la structure dans un pays ou à l’échelle de l’Union se posent aussi. Un projet de loi citoyen pourrait conduire la Pologne à sortir de la convention dite “d’Istanbul” du Conseil de l’Europe, sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique. Dans ces temps difficiles, le Conseil international des femmes polonaises se veut optimiste. “Nous ne voulons pas seulement diffuser nos attitudes et notre activisme féministes, mais aussi cultiver la joie du collectivisme féminin, de la communauté et de la sororité. Ensemble, nous construisons un monde accueillant pour toutes les femmes, sans exclusion.”

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