La plupart des grands événements sportifs prévus au printemps et à l’été 2020 ont été annulés ou repoussés. C’est le cas des Championnats d’Europe d’Athlétisme PARIS 2020. Comment avez-vous vécu cette situation ?
JG : La décision d’annuler les Championnats d’Europe a été prise le 23 avril 2020, en accord avec le comité exécutif de Paris 2020 et après un certain nombre d’études et de consultations menées avec les services de l’État et notre fédération européenne, European Athletics. Au début de la pandémie, il était inconcevable d’annuler, et j’étais loin de penser que nous allions en arriver là. Nous avons travaillé sur plusieurs scénarii. Le premier était celui d’un report, mais cela comportait un certain nombre de difficultés, notamment en matière de ressources humaines et de calendrier. Nous avons ensuite envisagé le maintien aux dates prévues, mais une analyse des risques nous a finalement contraints à l’annulation. Prendre le pari d’organiser une compétition sportive, de faire venir des délégations du monde entier était devenu inenvisageable. L’enjeu était alors de donner une réponse rapide aux athlètes et de limiter les pertes.
Dans ce contexte, pourquoi était-il important de maintenir le projet européen VECA, qui était adossé à l’organisation des Championnats d’Europe ?
JG : Toutes les options concernant les Championnat d’Europe avaient été étudiées. Je voulais tout annuler car j’ai beaucoup souffert de cette période. Mes collègues Cyril Savidan et Romain Delieutraz, qui ont notamment conçu le programme VECA, ont insisté et nous avons entamé des discussions avec la Commission européenne pour maintenir VECA. Nous l’avons fait car les volontaires avaient déjà été recrutés. Nous nous sommes vite aperçu qu’une vraie communauté s’était créée malgré l’annulation des Championnats d’Europe. Nous avons convenu que le maintien était une bonne idée, et nous nous sommes engagés de plus belle pour faire vivre ce projet.
VECA vise à rapprocher le volontariat sportif international et l’engagement civique européen. Comment cela se traduit-il pour les volontaires inscrits dans le programme ? Quelles actions ont été proposées ?
JG : Ce programme s’est articulé autour de trois temps forts. D’abord, la participation, pour la première fois, des volontaires au « E-Young Leaders Forum ». Cet événement mis sur pied en 2006 par European Athletics se tient lors de chaque édition des championnats d’Europe. Il rassemble les futurs dirigeants de l’athlétisme mondial.
Nous avons ensuite maintenu le rassemblement des volontaires à Paris, le 17 octobre dernier. C’était important de tous se revoir. Malgré les gestes barrières et la distance, on a senti une vraie joie de se retrouver et une vraie communion entre les volontaires. Nous avons enfin proposé une visite virtuelle des institutions européennes, en complément d’un voyage à Bruxelles pour certains volontaires tirés au sort. Toujours incertaine compte tenu du contexte sanitaire, la visite de la Commission européenne pourrait être reportée en début d’année 2021.
En marge de ces trois temps forts, nous avons travaillé pour faciliter le rapprochement de nos volontaires avec d’autres associations, afin de les maintenir actifs, mobilisés et engagés dans le volontariat. Nous les avons aussi sollicités sur la thématique de la citoyenneté européenne, de manière indirecte, en créant des moments de partage et d’échanges avec des décideurs, comme lors du E-Young Leaders Forum. Nous leur avons transmis des informations et des contenus sur le volontariat, afin qu’ils disposent d’éléments concrets sur la façon dont la mobilité et l’engagement sont promus au niveau européen.
Quel est le profil des volontaires inscrits dans le projet et combien ont été engagés à ce jour ?
JG : Au départ, nous avions recruté près de 1400 volontaires, venant de 38 pays différents, dont 15 européens. Après l’annulation, nous en comptions toujours 950, dont plus de 500 toujours actifs.
Leurs profils sont très différents. Certains d’entre eux nous ont rejoints du fait de leur passion pour l’athlétisme et pour l’évènement. D’autres sont des bénévoles réguliers, pas forcément issus du monde du sport. Tous les âges sont représentés chez nos volontaires, qui sont majoritairement Français et Franciliens, même si certains viennent de plus loin, par exemple d’Ukraine !
Comment les premières étapes du projet se sont-elles passées ?
JG : Nous avons pu mesurer l’investissement des volontaires à travers un questionnaire adressé au début du projet revisité. Tous nous ont fait part de leur engagement à nos côtés. Par exemple, lors des réunions préalables au E-Young Leaders Forum, ils se sont montrés très actifs et force de proposition. Les quatre sessions du Forum se sont d’ailleurs très bien déroulées. Une étude d’impact est également en cours pour mesurer l’effet du projet. Le fait que 450 d’entre eux (soit plus de 95% des volontaires) se soient rassemblés le 17 octobre dernier, sur site et à distance, pour vivre, ensemble, la matinée de rassemblement constitue un bel indicateur de réussite. Cela nous remplit de fierté.
Quelle est votre définition de la citoyenneté européenne ? En quoi le sport et notamment les événements sportifs peuvent-ils participer au fait de se sentir citoyen européen ?
JG : Nous sommes dans une ère où il est impossible de pratique son sport « dans son coin ». En tant que dirigeants sportifs responsables, nous devons prendre en compte la totalité des éléments qui nous entourent lorsque nous menons nos actions.
Il y a un certain nombre de valeurs qui sont importantes à nos yeux, notamment celles qui sont intrinsèquement liées à la citoyenneté européenne. En ce qui me concerne, je crois beaucoup en la capacité de l’Europe à aider notre société à être meilleure à l’avenir. Sur bien des domaines, le sport a un rôle important à jouer. Au cours de mes missions au sein de European Athletics, j’ai eu la chance de tisser des liens étroits avec la Commission européenne. L’associer à notre projet et y intégrer une dimension liée à la citoyenneté européenne m’a paru évident et naturel. Celle-ci est le reflet d’une identité qui se superpose à l’identité nationale mais qui demeure assez floue. Notre mission est de démontrer et de valoriser comment un programme volontaire participe à se sentir européen et véhicule des valeurs de citoyenneté.
Notre société traverse d’importantes secousses sur le plan sanitaire, économique et social. Cette situation nécessite de renforcer la solidarité, la responsabilité et la cohésion. Comment le sport peut-il aider à relever ce défi ? L’engagement volontaire, dans le sport ou ailleurs, peut-il constituer une réponse ?
JG : Le sport joue un rôle important dans nos sociétés. L’athlétisme est certes un sport de performance, mais cette dimension n’est pas contradictoire avec tout ce que le sport apporte à des millions de gens, en matière de santé notamment. Des études montrent que nous faisons de moins en moins d’activité physique. Cela coute très cher à la société. Le sport est un « médicament » qu’il est important de promouvoir car il est efficace sur de nombreuses pathologies. L’athlétisme dans toute sa diversité peut offrir tout ce qu’il faut à un individu pour qu’il soit en bonne santé tout au long de sa vie.
Le sport est aussi un formidable outil d’intégration et d’éducation. Lorsqu’on pratique, on ne fait pas de différences. Le sport peut permettre à chacun de sortir de sa condition sociale et de prendre des chemins de vie intéressants et stimulants. Le sport permet ainsi à la société de « mieux être ». Le volontariat y participe aussi. Avec la crise sanitaire, beaucoup de gens se sont interrogés sur leurs actions et ont pris du recul sur ce qu’ils faisaient au quotidien. Cela a déclenché un élan de solidarité et a permis de redonner du sens à l’engagement. Je crois que cela mérite d’être reconnu. C’est ce que nous avons essayé de faire à notre niveau, en impliquant les volontaires à chaque étape de notre projet. Nous espérons les avoir aidés à prendre conscience de l’importance et de l’utilité de leur engagement, pour eux comme pour la société.
Suivre les commentaires : |