Qu’attendre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe ?

Article paru à l’origine dans le Taurillon en Flam’s (n°20 / mars - juin 2021)

, par Clément Maury

Qu'attendre de la Conférence sur l'Avenir de l'Europe ?
Le Conseil européen est le symbole de l’Europe intergouvernementale. Une Europe plus efficace doit-elle s’affranchir de cette influence ? Photo : La Moncloa - Gobierno de España

Dans un contexte médiatique monopolisé par la crise sanitaire, la Conférence sur l’Avenir de l’Europe, aux ambitions affichées déjà bien modestes, pourrait bien faire un flop dans une indifférence quasi généralisée. La faute à la Covid-19… mais pas que !

Qu’attendre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe ? Le simple fait de poser cette question témoigne de la confusion qui règne autour de la finalité même du concept et de son contour. Officiellement, la Conférence a pour objectif de sonder les citoyens au sein d’une consultation de plusieurs mois, sous forme de débats, conférences et ateliers. Ceux-ci seront invités à dire « dans quelle Europe ils veulent vivre et “[de] joindre leurs forces pour nous aider à la construire” selon les propos d’Ursula von der Leyen. Une forme de «  grande thérapie paneuropéenne » (selon La Tribune de Genève) pour des institutions mal aimées, à grands renforts de démocratie participative, comme lors des consultations citoyennes de 2018 qui avaient elles-mêmes connu un succès très relatif hors de France.

Au moment de son lancement, la Conférence sur l’Avenir de l’Europe ne semble pas avoir les moyens de ses ambitions affichées, sans parler de celles à demi avouées. Car près de vingt ans après le fiasco final de la Convention sur l’Avenir de l’Europe, conclue par le rejet du traité constitutionnel européen par deux pays fondateurs, peu de leçons semblent avoir été tirées.

Un déficit criant de visibilité et d’incarnation

Tout d’abord sur la forme adoptée par le Conseil de l’UE, le Parlement européen et Point de présidence unique cette fois : chaque institution disposera de son siège au sein d’une présidence tripartite – même les communiqués de presse ont été publiés séparément. Pas davantage d’incarnation de la Conférence à travers une ou plusieurs figures de proue. Pour le Parlement, Guy Verhofstadt, un temps pressenti, a été écarté : trop « fédéraliste ». Côté Commission, la vice-présidente chargée du respect des valeurs de l’Union européenne et de la transparence Věra Jourová semble en mesure d’avoir les coudées franches mais n’est que peu connue du grand public. Le Conseil sera quant à lui représenté au sein du conseil exécutif par sa présidence et par les deux présidences futures, les quatre futures présidences ayant le statut d’observateurs. Limpide, n’est-ce pas ? Avec une telle communication, difficile d’imaginer les opinions publiques se ruer dans les amphithéâtres et les visioconférences pour faire pression sur les gouvernants comme l’espèrent les supporters les plus optimistes de la Conférence.

Des thématiques pertinentes mais peu intégrées

Point fort du nouveau format de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe : celle-ci s’attachera à des thématiques chères au cœur des citoyens européens telles que le changement climatique, le terrorisme ou la santé, mises en avant par les répondants à l’Eurobaromètre du 9 mars 2021. On notera au passage la grande disparité des priorités en fonction des États membres. Sur ces sujets, les citoyens européens souhaiteraient davantage d’action et d’efficacité, aux dires des promoteurs de la Conférence – qui se gardent bien de préciser si cette action doit être européenne ou non – en termes de politiques publiques. Pas de chance : ces thématiques correspondent actuellement à des compétences européennes très limitées !

Une réforme des traités improbable, délicate et tardive

Car c’est bien l’objectif confessé par de nombreux décideurs européens : pointer l’inadéquation entre l’attente des citoyens européens et les compétences réelles de l’Union européenne et s’en servir de levier pour conduire à une réforme des traités européens qui ne doit pas être « taboue » pour David Sassoli. Or, une douzaine d’Etats membres ont déjà fait part de leur opposition franche à une telle issue. A supposer que la porte soit malgré tout entrouverte à une telle révision et que celle-ci soit validée par les Parlements et les électeurs, s’il faut d’abord trouver un consensus entre 27 États membres et les institutions européennes pour changer les règles du jeu, l’objectif d’efficacité affiché risque fort le naufrage.

La démarche de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe part d’une intention louable : réconcilier les institutions européennes et les citoyens à travers les outils de la démocratie participative. L’incapacité des Etats membres et des institutions européennes à parvenir à mener enclencher un tel processus en bon ordre n’est pas entièrement imputable à la crise sanitaire mais bien plus à des logiques rivales bien établies.

Mais donc, qu’attendre de la Conférence sur l’Avenir de l’Europe alors ? A priori rien ou presque, mais on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise !

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