Quand le pétrole s’invite dans le débat de l’Etat-providence

, par Paul Brachet

Quand le pétrole s'invite dans le débat de l'Etat-providence

Danemark, Norvège, Ecosse… ces nations ont comme point commun d’être les plus grands producteurs de pétrole et de gaz de l’ouest du continent européen. Or cette manne financière, qui permettait jusqu’alors le maintien de l’État providence souvent érigé en modèle, est de plus en plus critiquée pour son coût environnemental. Dès lors, ces États font face à de multiples pressions sur les politiques à tenir.

La Norvège, un modèle non soutenable

C’est sous des airs d’Occupied que se sont passées les dernières semaines de la campagne électorale norvégienne… Dans cette série télévisée norvégienne, le point de départ est le choix de la Norvège de ne plus exploiter ses puits de pétrole par souci environnemental laissant présager de graves problèmes énergétiques pour le reste de l’Europe et une baisse des dépenses sociales pour le royaume. Mais il ne s’agissait pas de fiction pour les différents partis en lice pour les élections législatives norvégiennes qui se sont déroulées le 13 septembre 2021. Le rapport du GIEC (Comité scientifique international chargé d’analyser la situation environnementale mondiale) a bousculé le monde et notamment les citoyens norvégiens qui ont placé l’or noir de leur pays au centre des préoccupations. Le pétrole est en effet le moteur du développement économique de la Norvège permettant à celle-ci de financer son Etat-providence. Il ne représente pas moins de 160.000 emplois dans un pays comptant à peine 5 millions d’habitants. De plus, il permet au royaume scandinave de dégager une recette annuelle de 58 milliards d’euros alors que les dépenses dues à l’Etat-providence norvégien, l’un des plus généreux au monde, atteint une somme de 91 milliards d’euros. L’activité pétrolière est donc essentielle à la richesse de la Norvège. Cependant, cette activité est critiquée pour ses effets indésirables sur l’environnement puisque l’extraction et l’utilisation du pétrole, que cela soit sous la forme de plastique ou sous la forme de carburant, qui participent au dérèglement climatique. C’est à partir de ce constat que les partis politiques norvégiens ont trouvé un consensus : l’arrêt nécessaire de toute extractions de pétrole…reste à savoir quand ! C’est donc sur la date de sortie que le débat s’est cristallisé. Les partis traditionnels - sociaux-démocrates, libéraux et conservateurs- se sont mis d’accord sur une sortie en douceur sans vraiment évoquer de date. Les partis écologistes souhaitent y mettre fin en 2035. Aujourd’hui la question est donc de savoir s’il faut arrêter totalement l’extraction d’hydrocarbure au détriment de l’Etat-providence ou au contraire s’assurer de nouvelles recettes afin de conserver un modèle social généreux.

Le Groenland : le dilemme de l’écologie ou de l’indépendance

La Norvège n’est pas le seul pays à se préoccuper de ses ressources. Le Groenland pourrait contenir sous son sol 13% des ressources pétrolières du monde et 30% des ressources gazières. Ce qui expliquerait en partie la proposition d’achat du territoire par les Etats-Unis de Donald Trump qui avait alors été refusé par le Danemark et moqué par le reste du monde. Mais cette proposition peut être considérée comme sérieuse quand on comprend l’intérêt énergétique de la province danoise. C’était d’ailleurs, aussi l’un des principaux enjeux des négociations entre le Danemark et son territoire concernant son indépendance, qui a permis au Groenland de disposer de plus d’autonomie et d’un gouvernement. Le territoire est actuellement riche de sa pêche, ce qui lui permet de financer la moitié de son budget annuel, l’autre moitié étant pourvue par Copenhague qui permet à Nuuk de financer un programme social très important. Mais les deux tiers des habitants souhaitent voir leur archipel devenir un état à part entière. Le gouvernement écologiste et indépendantiste, nouvellement élu en avril de cette année, a donc pris la décision de stopper toutes explorations pétrolières et prévoit de réduire la dépendance du territoire aux hydrocarbures. Une telle décision anéantirait toutefois les possibilités d’indépendance, le système socio-économique du Groenland serait alors caduque s’il rompait avec le Danemark. Les Groenlandais ont pour le moment fait le choix de l’environnement.

L’Ecosse, l’indépendance à l’épreuve de l’environnement

Un choix similaire s’offre aux Ecossais. C’est ce qu’affirment les principaux partis d’opposition au gouvernement. Holyrood, le siège du parlement écossais, est occupé par une coalition composée du parti indépendantiste Scottish National Party (SNP) et des Verts écossais. Ceux-ci ont officialisé la coalition par un contrat stipulant d’une part l’organisation d’un référendum sur l’indépendance avant 2023, et d’autre part la préservation de l’environnement par un ensemble de mesures considérées comme plus radicales que celles annoncées par le Premier ministre britannique Boris Johnson. Ces annonces sont faites dans le contexte d’un soutien pour l’indépendance au plus haut dans les sondages (plus de 50% en faveur de l’indépendance) et d’une urgence écologique envisagée comme prioritaire par de nombreux Ecossais. Comme pour le Groenland, le généreux système social écossais dépend de ses extractions de pétrole et des apports directs de Londres. Mais contrairement à l’archipel groenlandais, l’Ecosse dispose de « ressources mobilisables » et de « recettes encore sous-exploitées », selon la Première ministre écossaise Nicolas Sturgeon. Un avis partagé par la majorité des indépendantistes et des écologistes mais qui laisse sceptique bon nombre d’observateurs internationaux. L’enjeu est donc de savoir si l’Ecosse réussira à conserver son modèle social dans le cadre d’une indépendance et d’objectifs climatiques conservés ou si celle-ci devra se résoudre, comme le Groenland, à un choix entre indépendance politique polluante ou autonomie soucieuse de l’environnement.

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