Référendum sur la citoyenneté italienne : un possible grand pas en avant

Le Courrier d’Europe

, par Wiam Bousalham, Le Courrier d’Europe

Référendum sur la citoyenneté italienne : un possible grand pas en avant
Image par April Sylvester de Pixabay

Les 8 et 9 juin prochains, les Italiens sont appelés aux urnes pour se prononcer sur une réforme majeure du droit à la citoyenneté. À l’initiative d’une pétition populaire ayant recueilli plus de 500 000 signatures en septembre dernier, seuil requis pour convoquer un référendum en Italie, la proposition vise à réduire de dix à cinq ans le délai d’attente nécessaire à l’obtention de la nationalité italienne pour les étrangers. Si elle est approuvée, environ 2,5 millions de personnes pourraient, ainsi, devenir éligibles à la citoyenneté.

Être citoyen, un droit fondamental

La Cour de Cassation italienne a jugé la demande de référendum conforme à la loi, ouvrant la voie à un débat national sur la redéfinition de ce que signifie « être Italien » au XXIe siècle. Une question éminemment politique, sociale et économique, dans un pays vieillissant, façonné par les migrations et la diversité. Toutefois, la citoyenneté italienne n’est pas seulement symbolique : elle donne accès à des droits fondamentaux, tels que le droit de vote, la participation aux concours publics pour certaines fonctions, la libre circulation dans l’Union européenne ou encore la participation à des programmes européens tels qu’Erasmus.

Pourtant, selon l’Istat (2023), 2,4 millions de personnes nées à l’étranger, vivant en Italie de manière stable et régulière, n’ont pas accès à ces droits. Cette population est composée de personnes titulaires d’un permis de séjour, sans casier judiciaire, avec un revenu et un emploi régulier. Il s’agit donc d’individus qui travaillent, paient des impôts, respectent les lois, mais restent exclus de la pleine citoyenneté.

Le cadre actuel : entre modalités d’accès et impact de l’immigration

Aujourd’hui, il existe deux façons d’obtenir la citoyenneté italienne. La première, le droit de sang (ius sanguinis), permet à une personne d’obtenir la nationalité si au moins l’un de ses parents est citoyen italien, peu importe son lieu de naissance. La deuxième, la naturalisation, est un processus souvent long et complexe, soumis à des conditions strictes de résidence et d’intégration. Il existe également la possibilité, pour les personnes étrangères, de faire une demande après dix ans de résidence légale et continue sur le territoire italien. Les citoyens européens, quant à eux, bénéficient d’une procédure allégée, avec une exigence de seulement quatre ans sur le territoire.

Cette différence de traitement s’est traduite par une forte augmentation des demandes des ressortissants de l’Europe de l’Est, notamment après l’adhésion de la Roumanie à l’Union européenne. Entre 2007 et 2008, l’Istat a constaté un quasi doublement du nombre de citoyens roumains présents en Italie, un phénomène directement lié à l’intégration du pays à l’UE.

Selon Eurostat, près de 1,5 million de personnes ont obtenu la citoyenneté italienne entre 2013 et 2022, un chiffre qui place l’Italie en tête des pays de l’Union en termes absolus. Toutefois, rapporté à la population, ce chiffre apparaît modeste par comparaison avec d’autres États membres. Selon une analyse de la Fondation ISMU sur les données du ministère de l’Intérieur, parmi les principaux bénéficiaires figurent les ressortissants d’Albanie (271 000), du Maroc (242 000) et de Roumanie (100 000).

Au-delà des statistiques, les étrangers présents en Italie participent activement à la vie économique et sociale. Selon une étude de la Fondazione Leone Moressa, institut de recherche italien spécialisé dans l’analyse des phénomènes migratoires et de l’impact économique de l’immigration, leur activité professionnelle génère 38,9 milliards d’euros, contre 37,7 milliards d’euros de dépenses publiques consacrées à cette catégorie de la population. Une balance donc positive, qui bat en brèche les discours selon lesquels les étrangers coûteraient plus qu’ils ne rapportent.

Un débat relancé

Ce référendum remet sur le devant de la scène un débat de longue date sur les modalités d’intégration et les critères d’accès à la citoyenneté italienne. Les opposants au projet avancent plusieurs arguments. Certains soulignent que l’Italie octroie déjà un nombre important de citoyennetés chaque année. Cet argument est effectivement fondé, mais seulement si on ne considère que les chiffres bruts : l’Italie figure parmi les pays européens qui naturalisent le plus. Toutefois, cette donnée devient moins significative lorsqu’on la rapporte à la population totale du pays, où l’Italie se situe alors dans la moyenne européenne.

D’autres critiques mettent en avant la spécificité de la situation migratoire italienne : pour une partie non négligeable des migrants, l’Italie est perçue non pas comme une destination finale, mais comme un pays de transit. Beaucoup s’y installent temporairement, avant de poursuivre leur parcours vers d’autres États membres de l’Union européenne, profitant de la liberté de circulation garantie par l’espace Schengen et le marché intérieur. Cela alimente l’idée, chez certains, qu’un assouplissement des conditions d’accès à la citoyenneté pourrait accentuer cette tendance, en faisant de l’Italie une « porte d’entrée » vers l’ensemble du continent européen. C’est dans cette optique que l’Italie de Giorgia Meloni, en février 2024, a conclu un accord avec l’Albanie sur la gestion des flux migratoires, avec le but de déléguer une partie des procédures d’accueil et de traitement des demandes d’asile en dehors du territoire national.

Par ailleurs, le fait que l’Italie fait partie des pays les plus favorables à une intégration rapide des Balkans occidentaux dans l’Union, démontre que le pays est poussé par ses propres intérêts.

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