Sécession en Catalogne : bras de fer engagé avec Madrid

, par Alexandre Lémonon

Sécession en Catalogne : bras de fer engagé avec Madrid
Le Parlement catalan est favorable à l’indépendance. - Xavier Vázquez

A quelques semaines des législatives espagnoles, un vent contraire venu de Catalogne secoue la campagne. L’annonce de la prochaine sécession du Parlement catalan vers l’indépendance cristallise le débat politique. L’avenir et l’unité de l’Espagne n’aura certainement pas été autant discuté depuis la mort de Franco. Éclairage d’un coup de théâtre finement calculé.

Une campagne axée sur l’acte de sécession

Hasard du calendrier ou véritable intention de souffler sur les braises d’un sujet sensible, la question catalane a une nouvelle fois apporté de l’huile sur le feu. Par voie de presse d’abord, en annonçant ouvertement que le Parlement catalan allait prochainement délibérer et voter le début de la sécession. Par voie juridique ensuite en ayant obtenu l’accord du Tribunal constitutionnel espagnol, de tenir cette délibération en invoquant les valeurs démocratiques et de pluralité des opinions.

A un peu plus d’un mois de l’élection législative espagnole, la campagne a soudainement pris le sujet en tenaille et devrait certainement ne plus s’en débarrasser. Un calendrier toujours au rendez-vous puisque le 20 novembre prochain, le Real Madrid accueille le F.C Barcelone. Une rencontre sportive certes, mais éminemment politique. Événement qui n’a cessé d’élever les exaspérations des deux camps et qui cette fois devient l’allégorie d’un pays en proie à la division. C’est une partie de football qui se joue en ce moment entre camps politiques où les tacles et les avertissements sont monnaie courante. Le terrain politique n’aura jamais connu autant de crispations pour l’avenir même d’une nation en quête d’identité.

Cuidadanos ou la fin du bipartisme ?

Constat sans équivoque depuis le lancement de campagne, le Parti de la Citoyenneté (Cuidadanos), formation politique du centre talonne le Parti Populaire et le Parti Socialiste dans les sondages. Après Podemos, c’est un nouveau parti qui s’installe durablement sur la scène politique espagnole.

L’histoire même de la fondation du parti fait écho à cette situation. Il s’agit avant tout d’un mouvement citoyen lancé en Catalogne avec pour ferme intention de s’opposer au catalanisme. La défense de la langue espagnole et l’autorité de l’État dans les régions autonomes est un principe gravé dans le marbre. Hostile à l’indépendance, le parti souhaite d’abord remettre en cause le statut d’autonomie de la Catalogne considéré comme d’essence nationaliste et de ce fait, réviser la Constitution espagnole.

La Parti de la Citoyenneté a réussi élection après élection à développer son ancrage national bien au-delà de la Catalogne. Certaines de leurs idées contre la corruption et la népotisme politique réussissent à attirer de nombreux électeurs qui ne se retrouvent pas dans les idées politiques de Podemos. Le 20 décembre prochain sera donc une journée déterminante pour le parti. Si les sondages se confirment, son leader, Albert Rivera pourrait jouer un rôle de première importance pour permettre aux conservateurs ou aux socialistes de disposer de la majorité absolue au Parlement.

Quel avenir pour la Catalogne ?

Il est encore tôt pour se prononcer sur les suites à donner à la demande de sécession du Parlement catalan. De nombreuses pistes peuvent tout de même nous éclairer sur les tenants et aboutissants de l’indépendance.

En premier lieu, la Constitution espagnole empêche toute forme de sécession en invoquant la supériorité de l’État espagnol face aux provinces autonomes. La Monarchie et ses institutions étant à la fois garante de la souveraineté nationale et de « l’unité indissoluble » du pays. Le tribunal constitutionnel devrait ainsi se référer à ces principes constitutionnels pour empêcher la poursuite du processus de sécession.

Toutefois, le statut quo n’est plus soutenable politiquement. Mariano Rajoy, actuel chef du gouvernement a pris les devants en appelant à l’unité des principales formations politiques. Devant cette situation exceptionnelle, il a convoqué un par un les responsables et candidats de l’opposition pour envisager des solutions ou mieux, réussir à trouver le soutien nécessaire et obtenir la majorité suffisante après élection pour réviser la Constitution.

Les partis politiques nationaux ont tour à tour défendu des positions qui sont loin de faire compromis comme le souhaiterait M. Rajoy. L’idée d’un nouvel État fédéral invoqué par le PSOE (Parti Socialiste et Ouvrier Espagnol) serait une solution de circonstance qui permettrait d’aboutir à un compromis et de conserver l’unité nationale. Pour le parti Podemos, issu du mouvement des indignés, son dirigeant Pablo Iglesias a refusé toute union anti-sécession et réclame un référendum d’autodétermination et la reconnaissance d’un État plurinational dans la Constitution.

Du côté des partis indépendantistes catalans, le calendrier est annoncé. 2017 sera l’année de la proclamation de la République de Catalogne. Arthur Mas, leader des indépendantistes, dispose d’un appui solide au sein du Parlement catalan. Sa récente victoire aux régionales lui a offert une confortable majorité absolue. Une légitimité toutefois contestée par les partis d’opposition puisque l’ensemble de la coalition indépendantiste n’a réuni que 48 % des suffrages exprimés. Cette même coalition souffre d’une division profonde dans son idéologie. C’est le cas de l’adhésion future de la Catalogne à l’Union européenne qui n’est pas acceptée par l’ensemble des partis indépendantistes.

Soutien international discret à l’unité espagnole

Certaines organisations internationales ont déjà exprimé leurs opinions vis-à-vis de la situation. C’est le cas de l’Union européenne par l’intermédiaire du porte-parole de la Commission européenne. En cas de véritable indépendance de la Catalogne, le nouvel État sortirait de facto de l’Union mais pourrait se présenter en tant que candidat. Il est évident que cette déclaration est surtout un gage de bonne entente avec le gouvernement espagnol sur des compétences non rattachées à l’Union européenne. Même son de cloche au sein du Conseil européen, les traités prennent une valeur symbolique pour discuter et commenter ce sujet sensible.

Pour le secrétaire général des Nations Unis, Ban-Ki Moon, la logique est similaire. Ce dernier se réfère à la liste des territoires non autonomes pouvant solliciter le droit à l’autodétermination. N’étant pas mentionnée, la Catalogne ne peut donc en aucun cas accéder à l’indépendance. Ces principes à géométrie variable invoqués par l’ONU accréditent une fois de plus la difficulté de traiter d’une question aussi sensible à l’échelle internationale.

Chacune de ces déclarations traduisent la neutralité politique de façade dans les affaires espagnoles. C’est le principe de non ingérence qui prévaut à l’échelle internationale. En résumé, la question catalane n’a pas fini d’occuper l’espace médiatique et connaîtra certainement de nouveaux rebondissements après les élections.

Hier, le Parlement catalan a adopté une résolution pour engager le processus vers l’indépendance de l’Etat catalan. Le gouvernement espagnol désapprouve.

Le Parlement catalan vote en faveur de la rupture avec l’Espagne.

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