Serbie : dérive démocratique aux frontières de l’Union européenne ?

Un témoignage dans le cadre de la campagne « Democracy Under Pressure » de la JEF Europe

, par Marija Vuković, Théo Boucart

Serbie : dérive démocratique aux frontières de l'Union européenne ?
Le président serbe Aleksandar Vučić. Photo : Medija Centar Beograd

Dans le cadre de la campagne « Democracy Under Pressure », organisée depuis 15 ans par les Young European Federalists, Le Taurillon publie un troisième témoignage sur la situation de la démocratie en Serbie, un pays qui voit sa démocratie remise en cause d’années en années, sous les coup du président Aleksandar Vučić. Marija Vuković a répondu aux questions de Théo Boucart.

Le Taurillon : Selon un rapport de l’ONG américaine « Freedom House » de 2019, la Serbie n’est plus considérée comme une démocratie pleinement fonctionnelle. Peut-on attribuer ce résultat peu enviables aux politiques du président actuel Aleksandar Vučić ?

Marija Vuković : Une démocratie telle qu’on l’entend en France ou au cœur de l’UE n’a jamais réellement existé en Serbie, ni sous Alexandre Vučić ni auparavant.

LT : En quoi la position actuelle de l’UE vis-à-vis de Belgrade influence-t-elle l’évolution démocratique du pays ? Une Serbie membre de l’UE aurait-elle pu ne pas glisser vers l’autoritarisme ?

MV : Oui sans doute. La Serbie a comme objectif d’intégrer l’Union européenne, ce qui a une forte influence sur la politique serbe. L’UE guide en quelques sortes la Serbie dans son évolution en lui « imposant » un cahier de charges dans l’objectif d’intégrer les membres de l’Union européenne dans un avenir proche... enfin « proche ».

LT : La Serbie n’est pas bien classée dans le classement de Reporters sans frontières (RSF). En 2020, le pays occupait la 93ème place. Quelle est la situation des médias serbes actuellement ?

MV : Les médias ont une grande importance en Serbie. Néanmoins, le pays souffre d’une liberté d’expression presque inexistante et il y a beaucoup de censures. D’un côté, il existe bien des émissions telles que « pljiz », « 24 minuta sa Zoranom Kesicem », « vece sa ivanom Ivanovic » qui ont un œil critique sur l’Etat et ses politiques, mais elles ont été interdites temporairement à plusieurs reprises ou déplacées de chaînes pour certaines. Qui plus est, aucune de ces émissions n’est disponible sans la fibre. Une fibre qui coute environ 30€ par mois, pour un pays dont le salaire moyen est d’environ 300€. Peu de monde a donc accès aux « médias d’opposition ».

LT : Dans un avenir proche, une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo est-elle envisageable ? Comment la « question kosovare » est-elle traitée dans la sphère publique serbe ?

MV : Cette question est très délicate je dois avouer. Une normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo ? Je dirais plutôt entre Belgrade et Pristina, car une véritable frontière entre la Serbie et le Kosovo n’existe pas. Je pense réellement qu’aucun accord n’est possible, du moins pas pour l’instant. Bon nombre de Serbes ne sont pas prêts à reconnaitre l’existence d’un Kosovo indépendant, d’où une opinion publique en Serbie qui n’accepterait pas de signer un accord interétatique avec le Kosovo. Ça va bien au-delà de la politique. Le Kosovo pour un Serbe est et restera un lieu historique, le cœur de l’histoire et de la nation serbe, avec une symbolique très forte et un très fort attachement à cette région. En tout cas je pense qu’un accord entre les deux provoquerai beaucoup d’émeutes, alors que Vučić n’a pas envie de se mettre son peuple à dos... Puis il y a aussi la forte taxation des produits serbes importés au Kosovo qui a davantage entaché nos relations.

Un débat a été tout de même initié concernant la division du Kosovo en deux unités distinctes. Cependant, même avec un potentiel accord de la Serbie, cela n’a pas mené à un accord définitif dû à la réparation de territoires perçue comme inégale par la Serbie.

Avertissement : ce témoignage reflète les opinions personnelles de son auteure. Il ne saurait refléter les opinions de la rédaction du Taurillon.

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