Retrouver du liant après des années d’algarade
Depuis 2016, Paris et Londres se sont écharpés sur de nombreux sujets, tout cela dans le contexte d’un Brexit parfois difficile à digérer pour le Royaume-Uni. Les licences de pêche, la question migratoire et l’affaire des sous-marins dans le cadre de l’alliance AUKUS sont des exemples emblématiques des difficiles relations entre les deux pays.
Depuis, Londres reconsidère en totalité sa politique européenne et étrangère. Les relations sont donc logiquement difficiles entre un Président français européiste et différents premiers ministres britanniques du parti Conservateur qui doivent leur mandat au rejet de cette dernière. À cela s’ajoute une histoire riche de conflits, de rivalités amicales et de “I love you, moi non plus”.
Après des années de querelles, – quand Boris Johnson, puis Liz Truss étaient Premiers ministres – l’actualité internationale s’agite, Paris et Londres aspirent alors à rétablir leurs relations sous l’égide de Rishi Sunak, désormais chef du gouvernement depuis octobre dernier.
L’immigration, pomme de discorde des relations franco-britanniques
Depuis le vote du Brexit, les questions migratoires, et notamment celles d’immigration illégale, empoisonnaient sérieusement les relations entre Paris et Londres.
Lors de leur première rencontre en marge de la COP 27 à Charm-el-Cheikh en Egypte en novembre 2022, Rishi Sunak avait affirmé vouloir « coopérer étroitement » avec la France sur le sujet de l’immigration. En effet, cette année-là, plus de 45.000 migrants avaient alors rejoint illégalement les côtes anglaises par la Manche, un chiffre record en dépit des projets successifs des gouvernements britanniques pour lutter contre ce phénomène. Politiquement, le dossier de l’immigration était hautement épineux pour les conservateurs qui avaient promis depuis le Brexit de reprendre le contrôle des frontières.
Mi-novembre, Paris et Londres ont finalement annoncé la signature d’un accord qui s’inscrit dans la lignée du traité de Sandhurst ratifié en janvier 2018 qui renforçait la gestion coordonnée la frontière commune entre le Royaume-Uni et la France. Ce nouvel accord, obtenu après des mois de négociations, prévoit notamment une enveloppe britannique de 72 millions d’euros sur la période 2022-2023 pour la France, qui en contrepartie devra augmenter de 40% les forces de sécurité, passant ainsi de 800 à 900 le nombre des policiers et gendarmes sur les plages françaises, d’où partent les migrants à destination du Royaume-Uni.
Cet accord est une aubaine pour les deux gouvernements qui se voient, nationalement, reprocher une certaine forme de laxisme vis-à-vis de la question migratoire.
En France, Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur et des Outre-Mer, accusé par la droite et l’extrême droite d’un manque de rigueur sur l’application des OQTF (Obligation de quitter le territoire français), a annoncé début 2023 un projet de loi visant à durcir les procédures d’asile.
Au Royaume-Uni, le parti conservateur au pouvoir a fait du contrôle de l’immigration une priorité depuis le Brexit, mais se heurte à la courbe exponentielle des traversées illégales. La question migratoire apparaît donc comme un puissant antidote à des relations empoisonnées.
Un partenariat renouvelé autour des questions de défense
Si le Royaume-Uni a insisté sur la question migratoire, Emmanuel Macron a, de son côté, manifesté sa volonté de renforcer le partenariat de défense avec le Royaume-Uni, sanctuarisé par le Traité de Lancaster House en 2010 mais affaibli par le Brexit.
De plus, la relation bilatérale avait traversé une vive crise après l’annonce de l’alliance AUKUS conclue en septembre 2021 entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie. Cette alliance, mettant la France à l’écart de l’espace indopacifique dans lequel elle a pourtant des intérêts stratégiques et territoriaux directs, s’est traduite pour la France par la perte humiliante du “Contrat du siècle” sur la fourniture de sous-marins avec Canberra.
Diplomatiquement, cette alliance, qui engageait des alliés stratégiques et historiques, avait été perçue comme une véritable humiliation pour Paris. Pour gommer ce revers, Emmanuel Macron a ainsi annoncé début novembre dernier vouloir reprendre « activement le fil de notre dialogue sur les opérations, les capacités, le nucléaire et le domaine hybride » lors de la présentation de la nouvelle stratégie française en matière de défense.
Ce partenariat renouvelé sur les questions militaires et stratégiques n’est évidemment pas étranger à la guerre en Ukraine qui se joue aux portes de l’Europe, et dans laquelle la France et le Royaume-Uni prennent une part importante. Puissance motrice dans la livraison d’armes et d’aide à l’Ukraine et adossée au positionnement américain, la British Army, autrefois Première Puissance militaire d’Europe, est pourtant décrite comme fragilisée, à cause d’orientations budgétaires à la baisse et de choix stratégiques d’abandonner certaines capacités. Un constat qui rejoint celui du Président français qui a annoncé en janvier porté le budget militaire à 400 milliards d’euros pour la période 2024-2030 afin d’épaissir et de transformer les armées françaises.
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