Tennis : Les Européens vont-ils rester au sommet ?

, par Jérôme Flury

Tennis : Les Européens vont-ils rester au sommet ?

Le suisse Roger Federer, l’espagnol Rafael Nadal et le serbe Novak Djokovic ont dominé le tennis masculin mondial ces quinze dernières années. Si leur règne n’est pas tout à fait terminé, la relève, baptisée « Nextgen », se fait de plus en plus pressante, et pourrait maintenir l’Europe comme l’épicentre de ce sport.

20. Le record absolu de titres du Grand chelem (un des quatre tournois majeurs du tennis se jouant annuellement) remporté par un même joueur est de 20 et ils sont trois athlètes dans l’histoire à y être parvenus. Roger Federer, Rafael Nadal et également Novak Djokovic depuis le 11 juillet. Premier point commun : tous trois ont réalisé cet exploit au XXIe siècle. Deuxième point commun : le Suisse, l’Espagnol et le Serbe viennent du même continent, l’Europe. Troisième point commun : ils sont trentenaires et certainement plus proches de la fin que du début de leur carrière. Même s’il est difficile de savoir quand ils s’arrêteront de servir pour le gain des sets au vu de leur exceptionnelle longévité.

Chaque histoire a malgré tout une fin et depuis plusieurs années, la question de la “suite”, leur suite, se pose dans le tennis. Ce sport, ou en tout cas sa version masculine, se trouve actuellement à un carrefour. Tous les regards sont désormais tournés vers une jeune génération impatiente de prendre la relève, baptisée « Nextgen » par la presse. Sera-t-elle également européenne ?

Américains et Australiens dans l’Histoire

Historiquement, les talents de la discipline se trouvent sur divers continents. Si le tennis moderne puise ses racines en Europe, Américains et Australiens se sont particulièrement distingués par le passé. Rod Laver (Australie, actif entre 1962-1979), Pete Sampras (Etats-Unis, 1988-2002), John Newcombe (Australie, 1968-1981), Jimmy Connors (Etats-Unis, 1972-1996), Roy Emerson (Australie, 1953-1983) ou Arthur Ashe (Etats-Unis, 1968-1980) sont quelques-uns de ces joueurs reconnus aux palmarès impressionnants.

Un coup d’œil aux classements des numéros 1 mondiaux de tennis dans “l’ère Open” (époque du tennis moderne, qui commence en 1968) rappelle que les Américains ont globalement dominé les années 1970, 1980 et 1990. Avant que Roger Federer et Rafael Nadal ne deviennent intouchables (les deux joueurs se succèdent à la place de numéro 1 de février 2004 à juillet 2011). Il en va de même dans le palmarès féminin, où brillent par exemple l’australienne Margaret Smith (1959-1977), l’américaine Billie Jean King (née Moffitt, 1959-1990), les australiennes Chris Evert (1972-1989) et Evonne Goolagong-Cawley (1970-1985) et où de très nombreux records ont été décrochés par Serena Williams, toujours en activité aujourd’hui, ainsi que sa soeur Venus.

De jeunes pépites venues du Vieux continent

Depuis quelques années, les observateurs de ce sport voient dans certains talents émergents une génération capable de prendre la relève du trio légendaire Djokovic-Federer-Nadal. Cette « Nextgen » peine toutefois à confirmer et à grandir dans l’ombre des trois joueurs. Le journaliste Vincent Soubabère l’a malgré tout écrit en août, d’après lui, l’année à venir sera celle de cette génération nouvelle. Il fait le point sur les dernières performances des tennismen régulièrement rangés dans cette catégorie.

« Alexander Zverev semble enfin jouer sans complexes quel que soit son rival et a été récompensé par un titre de champion olympique après avoir fait tomber Djokovic. Stefanos Tsitsipas a réalisé un grand tournoi à Roland-Garros et n’est vraiment pas passé loin de battre le numéro un mondial en finale.

Matteo Berrettini a franchi un cap cette année, se hissant en finale de Wimbledon après avoir livré un gros combat contre le Serbe à la Porte d’Auteuil. Daniil Medvedev, passé numéro deux mondial, doit encore s’affirmer dans les tournois principaux mais il a les capacités pour en gagner un dans les années qui arrivent. Dominic Thiem en méforme et Andrey Rublev, encore trop tendre, sont en retrait mais restent en embuscade. »

Alexander Zverev (Allemand, 24 ans), Stefanos Tsitsipas (Grec, 23 ans), Matteo Berrettini (Italien, 25 ans), Daniil Medvedev (Russe, 25 ans), Dominic Thiem (Autrichien, 27 ans) et Andrey Rublev (Russe, 23 ans) sont tous originaires du Vieux continent. Il est aussi possible d’ajouter à cette liste, dans une moindre mesure, Karen Khachanov (Russe, 25 ans), Hubert Hurkacz (Polonais, 24 ans), Jannik Sinner (Italien, 20 ans), Casper Ruud (Norvégien, 22 ans) Félix Auger-Aliassime (Canadien, 21 ans) ou Alex de Minaur (Australien, 22 ans). À de rares exceptions, ce sont bien les Européens qui mènent la jeunesse du tennis mondial… Derrière les trois légendes suisse, espagnole et serbe.

En effet, lorsque ces jeunes sportifs parviennent à se hisser en finale de tournois, ils ratent régulièrement la dernière marche quand ils doivent faire face à Federer, Djokovic ou Nadal. « On peut supposer qu’ils ont du mal “à tuer le père” en quelque sorte. Leur respect envers ces légendes est sûrement plus grand que leur volonté de gagner et donc permet au monstre à trois têtes de toujours dominer le tennis mondial  », écrivait en juin Auguste Amar dans un sujet très complet paru sur le site WeSport. Qu’il conclut en ces termes : «  l’instant de délivrance se rapproche. » Les trois légendes restent une source d’inspiration principale pour les nouveaux joueurs.

Tournois, académies, association, l’Europe en modèle

Il faut comprendre que l’Europe est aussi un cadre propice au développement des joueurs. Les compétitions y sont nombreuses, outre les deux tournois du Grand chelem que sont Wimbledon au Royaume-Uni et Roland-Garros en France. Quatre compétitions ATP 1000 (sur neuf) sont jouées sur le sol européen, sept ATP 500 (sur 13) également. Quant au Masters de fin d’année ou ATP finals, il se jouait les dernières années à Londres et prend désormais ses quartiers à Turin.

Au-delà des tournois, l’Europe compte aussi des centres de formation importants. La plus grande académie de tennis du continent se situe à Nice. Il s’agit de la Mouratoglou Academy avec 35 courts de tennis, innovation de Patrick Mouratoglou, entraîneur mondialement réputé. Mais il est aussi possible de citer la Bruguera Tennis Academy Top Team, fondée en 1986 et située à Barcelone, ou encore les créations de gloires européennes : la Rafa Nadal Academy, ouverte en 2016 à Manacor, ville natale de Rafael Nadal et la Justine Henin academy, destinée aux femmes, et qui porte le nom de l’ancienne joueuse belge qui l’a fondée en 2007.

Et ce sport est particulièrement structuré en Europe. Tennis Europe (anciennement connue sous le nom d’European Tennis Association) est la plus grande association régionale de tennis, regroupant dans une fédération 50 nations européennes membres, 37 500 clubs, 112 000 entraîneurs et entraîneuses et plus de 25 millions de joueuses et joueurs [1]. Créée à Rome en 1975, l’organisation est désormais basée à Bâle, en Suisse. La structure et ses membres développent ainsi des stratégies à plus long terme, le dernier plan global ayant été établi pour la période 2018-2023. Et l’association remet même un trophée symbolique, le European Tennis Trophy, au pays ayant obtenu le plus de points dans divers critères (développement chez les junior, résultats en compétition, succès au tennis-fauteuil…)

Un autre paramètre peut être pris en compte au moment d’étudier le développement du tennis en Europe : une grande proximité existe avec la Russie et l’accueil facilité en Europe pour les ressortissants russes peut même s’observer en regardant la « Nextgen ». Alexander Zverev, qui a décroché la médaille d’or aux Jeux Olympiques pour l’Allemagne, a deux parents qui ont joué au tennis… pour l’Union soviétique, Alexander Mikhailovich Zverev et Irina Zvereva. Et la mère de Stefanos Tsitsipas, Julia Apostoli, s’appelait à la naissance Ioulia Sergueïevna Salnikova, étant l’une des plus prometteuses joueuses soviétique de sa génération. Elle est désormais naturalisée grecque. Autre exemple : le joueur espagnol Alejandro Davidovich Fokina est fils d’un boxeur russo-suédois et d’une mère de nationalité russe.

Le début de l’après

Enfin, l’Europe joue aussi « en équipe » avec la Laver Cup, et se retrouve opposée au “reste du monde”. Pas meilleur moyen de souder les meilleurs athlètes du Vieux continent ! En trois éditions, l’Europe a remporté trois fois la compétition. Rendez-vous est donné pour la quatrième édition cette année à Boston du 24 au 26 septembre. Daniil Medvedev, Stefanos Tsitsipas, Alexander Zverev, Andrey Rublev, Matteo Berrettini et Casper Ruud forment la sélection européenne. Qui comprend donc une bonne partie de la « Nextgen » alors que Federer a été contraint à déclarer forfait. Il n’est pas le seul à se débattre avec ses blessures.

Géraldine Catalano, rédactrice en chef de l’Equipe magazine, parlait le 28 août de l’absence prolongée de Nadal, « un peu avant l’après ». « Cela commence à ressembler à un crépuscule et certainement à la fin d’une ère, celle du Big three. L’exceptionnelle longévité de ce trio magique (...) dont le règne a commencé en 2007 (...) laisse la voie à la relève, magnifique, incarnée par le grec Stefanos Tsitsipas, les russes Andrey Rublev et Daniil Medvedev et l’allemand Alexander Zverev.  » Elle ne le savait alors pas, mais quelques jours plus tard, Medvedev privait Djokovic du grand chelem calendaire et d’un 21e titre majeur en carrière. Le Russe remportait lui son premier succès en Master à l’issue d’une finale maîtrisée le 12 septembre. « L’après » a peut-être finalement commencé.

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[1chiffres de 2021

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