Top jobs : La fausse parité vantée par les institutions européennes

, par Hervé Moritz

Top jobs : La fausse parité vantée par les institutions européennes
Ursula von der Leyen devient la première femme de l’histoire à accéder à la présidence de la Commission européenne. Crédits © Union européenne 2019 - Photo : Mathieu CUGNOT, Parlement européen

Dans le contexte des nominations aux postes-clé des institutions de l’Union européenne, les responsables européens parmi lesquels le président du Conseil européen, Donald Tusk, ont largement vanté la parité absolue dans ces nominations. A l’heure où la parité est un enjeu politique, les institutions européennes ont en réalité grossi le trait. Explications.

Le 2 juillet dernier, dans son allocution devant la presse, Donald Tusk, président du Conseil européen, révélait les conclusions de la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement pour choisir les personnalités qui dirigeront l’Europe ces cinq prochaines années. Ainsi, le Conseil a proposé Ursula von der Leyen, ministre de la Défense allemande, pour la présidence de la Commission. Une proposition entérinée par le vote des députés au Parlement européen, mardi 16 juillet. Le Conseil a également proposé l’Espagnol Joseph Borrell pour le poste de Haut représentant pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, poussé la candidature de Christine Lagarde pour la présidence de la Banque centrale européenne et nommé Charles Michel à la tête du Conseil européen. Une « parité parfaite » selon les propos de Donald Tusk. « Parité parfaite », vraiment ?

Une parité de façade qui cache quelques arrangements

Pour comprendre ce tour de passe-passe de la communication institutionnelle européenne, il faut revenir en arrière. Quels postes devaient pourvoir le Conseil européen après les élections européennes ? Il y a bien quatre postes pour lesquels les chefs d’Etat et de gouvernement européens devaient trouver des candidats consensuels : le quatuor initial était composé de la présidence de la Commission européenne, de celle du Conseil européen, de celle du Parlement européen et du poste de Haut représentant pour les affaires étrangères. Devait être exclu des négociations, la présidence de la Banque centrale européenne, institution indépendante n’entrant pas dans le jeu politique post-élections européennes. Pour les quatre postes à pourvoir, Donald Tusk avait annoncé que la parité serait un critère important dans l’attribution des différentes fonctions.

Or, le 2 juillet, le Conseil européen n’a pas tout à fait rendu la copie attendue. Ce ne sont pas quatre postes qu’ils ont négociés, mais cinq postes pour aboutir à un consensus. En effet, la présidence de la Banque centrale européenne ne devait pas faire partie des négociations. La communication institutionnelle à la suite du Conseil européen n’insiste pas non plus sur la présidence du Parlement européen, qui a pourtant été offerte aux socialistes et démocrates, dont les candidats potentiels étaient des hommes. Au final, sur les cinq postes qui ont finalement été distribués, figurent deux lauréates et trois lauréats. Une parité pas vraiment « parfaite ».

De plus, si la présidence de la Banque centrale européenne devait être exclue des négociations, il convient de se demander la raison de sa mise en jeu. Avec l’Allemande Ursula von der Leyen à la Commission européenne, il était difficile de n’attribuer aucun poste à un Français. Christine Lagarde, au-delà des compétences qu’elle possède pour un tel poste, a l’avantage certes d’être une femme, mais surtout d’être française. Un tour de passe-passe qui a permis à Emmanuel Macron, le président français, de faire figure de grand vainqueur à l’issue de ces négociations. Un ticket franco-allemand sinon rien.

Une présidente de la Commission pour faire passer la pilule ?

C’est historique, Ursula von der Leyen sera bien la première présidente de la Commission européenne. La fonction la plus importante parmi les postes répartis est attribuée, pour la première fois, à une femme.

Cependant, cette candidature des plus inattendues a été le fruit de maintes tractations au sein du Conseil européen. Au Parlement européen, les députés ont peu apprécié cette candidate sortie du chapeau par les chefs d’Etat et de gouvernement, et qui quelques semaines auparavant n’avaient aucune ambition ni envergure politique européenne. Au-delà même du profil de la candidate, le Parlement européen a timidement tenté de défendre le principe des Spitzenkandidaten, ces chefs de file des partis politiques européens qui ont brigué la présidence de la Commission pendant la campagne. Ce processus a permis d’accentuer la dimension européenne de la campagne en valorisant les programmes de chaque parti européen et des débats transnationaux.

Le consensus du Conseil autour d’Ursula von der Leyen, candidate inopinée et sans aucun programme pour le pilotage de l’Union européenne pendant cinq ans, n’a donc pas réjoui le Parlement européen. Les députés n’ont d’ailleurs accordé la présidence de la Commission à Ursula von der Leyen qu’à une courte majorité de 383 voix pour 374 nécessaires. Il faut en effet souligner que, si le Conseil a utilisé l’opportunité de placer une femme à la tête de la Commission européenne comme un argument en faveur de la nomination de l’ancienne ministre allemande, nombre de députés ont estimé cet argument symbolique bien faible face aux enjeux politiques du moment.

Seul lot de consolation, les quatre groupes principaux au Parlement européen (conservateurs de droite, socialistes et démocrates, libéraux et démocrates de Renew et les verts) négocient actuellement un contrat de coalition qu’ils parviendront sans doute à imposer à la nouvelle présidente de la Commission, qui n’a ni programme prédéfini ni légitimité démocratique pour en imposer un.

Pourquoi faut-il tout de même se réjouir de l’élection d’Ursula von der Leyen ?

Après cette farandole de réserves sur l’élection d’Ursula von der Leyen et les nominations des autres personnalités, il faut tout de même saluer cette élection historique de la candidate à la tête de la Commission européenne, qui sera sans doute capable de trouver les compromis nécessaires dans un paysage politique européen morcelé. Seul hic dans la répartition des postes clés, le manque de représentants des pays de l’Europe centrale et orientale qu’elle devra corriger dans la composition de la Commission.

Même si son programme politique reste encore faible, elle a tenu compte de la nouvelle recomposition politique au Parlement dans son discours de candidature devant le Parlement européen et saura porter un contrat de coalition que l’on espère ambitieux pour que l’Union européenne change en profondeur et améliore son action dans les cinq prochaines années. Elle est maintenant en charge de constituer un collège de commissaires, qu’elle souhaite entièrement paritaire, une équipe qui devra remporter une majorité, déterminée à agir en faveur de l’Union européenne et à travailler étroitement avec le Conseil et le Parlement sur le contrat négocié en ce début de mandature. A l’agenda politique, il faut tout de même relever une Conférence citoyenne et une réforme potentielle des traités européens. Un défi majeur pour cette novice de la politique européenne.

Vos commentaires
  • Le 22 juillet 2019 à 10:50, par Rémi En réponse à : Top jobs : La fausse parité ventée par les institutions européennes

    Cela me semble être une erreur que de vouloir inclure la Présidence du Parlement européen dans les nominations du Conseil européen. Ce n’est pas son rôle. Ce choix ne concerne que les membres du parlement. Le conseil européen est libre d’émettre un avis s’il le souhaite mais il ne nomme pas de candidat au poste de Président du Parlement européen. C’est donc bien quatre candidats que le Conseil européen peut nommer (en incluant celui de President de la BCE) et certainement pas 5.

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