Transports en Europe : sur les mers, une mauvaise vague

, par Jérôme Flury

Transports en Europe : sur les mers, une mauvaise vague
Image : Free-Photos de Pixabay

Après la pandémie, quels transport dans l’Union européenne fin 2020 ? Dans le domaine maritime, qui concerne la majorité des transactions commerciales, le coup d’arrêt a été d’autant plus rude que la Chine, première frappée par le coronavirus, est un acteur majeur des échanges mondiaux. Une certaine reprise s’est produite, mais les problèmes restent nombreux.

Dernièrement, au sein de l’UE, lorsque la question des navires a pu être abordée, cela a plutôt été pour parler de tensions diplomatiques entre la Grèce et la Turquie ou s’interroger sur les conditions de pêche post-Brexit. Sans compter l’éternel et dramatique enjeu des vaisseaux humanitaires, dont le dernier financé par Banksy est mené par Pia Imbs.

Toutefois l’enjeu des échanges commerciaux de l’Union européenne sur les mers reste une problématique majeure alors que la pandémie a causé de nombreux remous dans l’océan des transports. Protectionnisme, guerre commerciale entre États-Unis et Chine, l’Europe tanguait déjà depuis des mois, ballotée par ces vents défavorables. Pourtant, comme l’a rappelé la commissaire aux transports, Mme Adina Vălean : « Ce sont les gens de mer qui préservent les flux vitaux de notre économie et de nos chaînes d’approvisionnement, puisque 75 % des échanges commerciaux de l’UE avec le reste du monde et 30 % du total des marchandises transportées dans l’UE empruntent la voie maritime. »

Or, ces “gens de mer”, se sont retrouvés bloqués sur les flots en cours d’année, alors que les frontières se fermaient une à une. Finalement, le 8 juin, l’Organisation maritime internationale (OMI) et la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED), comme le souligne la fondation pour la recherche stratégique, ont appelé les États à coopérer. « Selon les estimations, à partir de mi-juin 2020, 300 000 gens de mer par mois devront effectuer des déplacements internationaux afin d’assurer les relèves d’équipage des navires et 70 000 membres du personnel des navires de croisière attendent actuellement d’être rapatriés… Dans un souci de respect des règlements internationaux en matière de sécurité et d’emploi, et pour des raisons humanitaires, les relèves d’équipage ne peuvent pas être indéfiniment reportées. »

La Chine lourdement touchée, le commerce à l’arrêt

La situation sans précédent a permis de voir de belles initiatives comme lorsque vingt des plus grands ports d’Asie, du Moyen-Orient, d’Amérique du Nord et d’Europe, dont Le Havre, Hambourg, Barcelone, Anvers et Rotterdam, ont signé une déclaration commune pour le maintien du commerce mondial en avril.

Mais las, dès le départ, le coronavirus, propagé depuis la Chine, a posé un problème insoluble aux échanges internationaux sur la mer, comme l’a formulé en février Adeline Descamps sur le site La Marine marchande. “Voilà qu’une pneumonie virale met au chômage technique un géant planétaire, premier importateur mondial de matières premières et destinataire des exportations d’une trentaine de pays, et fait chavirer une production mondiale sous amphétamines.

Abudi Zein, directeur général de Clipper Data, dans une note publiée par la Cnuced, a également dressé, tôt en 2020, un constat implacable, celui d’une chute du commerce international liée à la pandémie, mais qui, comme le développe Les Échos, renforce une tendance déjà pesante. « Les entreprises de transport maritime ont réduit leur capacité depuis environ août 2018 sur la plupart des voies commerciales. » Mais là, forcément, c’est encore pire. La Chine est un colosse et les commandes à l’exportation s’effondrent, notamment en Europe. Comme le développait Les Échos en mars, “la Commission européenne note qu’au cours des quatre dernières semaines, le trafic de containers en partance de Chine a reculé de près de moitié”.

Le lien commercial entre la Chine et l’Europe a été particulièrement affecté. “L’ASEAN a surpassé l’UE en tant que plus grand partenaire commercial de la Chine au mois de janvier et février, alors que le commerce sino-européen a enregistré une baisse de 14,2 % au cours de cette période, selon les données des douanes”, précise le site China.org.

Tourisme : après le choc, une reprise encore timide

Au-delà du commerce, tous les voyages maritimes ont dû réduire la voilure. Plusieurs récits de contaminations à la Covid-19 dans des bateaux de croisière ont émergé dans les premières semaines de la propagation mondiale de la pandémie. 700 cas comptabilisés à bord du Diamond Princess au large du Japon, 200 membres d’équipages infectés à Saint-Nazaire, dans le Celebrity Apex, comme le développe la Fondation pour la recherche stratégique dans une note, indiquant également que la compagnie “DFDS a stoppé ses liaisons passagers entre Oslo et Copenhague et ne transporte plus que du fret. Il en est de même pour Brittany Ferries entre la France et l’Angleterre, l’Irlande et l’Espagne”. Coup d’arrêt définitif pour le tourisme maritime ? La Compagnie Costa, qui a repris la mer début septembre avec 600 passagers dans des paquebots qui peuvent en prendre 5000, se veut rassurante. “Il s’agit là d’un message positif, pour dire que oui, il y a un marché. Nous le mesurons grâce à plusieurs autres indicateurs : les échanges avec nos clients, le call center, les visites sur notre site web, les demandes des agents de voyages. Il y a une vraie volonté de redémarrer." Malgré tout, alors que les différents pays continuent à se classer mutuellement en zones à risques ou non, ce type de croisière semble très complexe à mettre en place.

Cote en berne pour les bateaux

Les navires, même si toujours nécessaires, sont aujourd’hui source de débats et de tensions dans l’UE. Alors que les émissions de gaz à effet de serre restent conséquentes dans le domaine du transport, un site de surveillance a par exemple été mis en place à proximité du port d’Hambourg pour mesurer la nocivité des carburants employés par les navires. Euronews met en avant une “bonne nouvelle” à ce sujet, une réduction drastique des “émissions de soufre des navires de la Manche à la mer Baltique” en 2015 grâce à l’action de l’UE.

Les réflexions suivent leur cours sur les moyens les plus “propres” de propulser les bateaux mais la question de leur “recyclage” reste épineuse, Euractiv dénonçant un échec en la matière pour l’UE : une liste d’installations, définies par règlement par Bruxelles spécifiquement pour le démantèlement, “n’ont pourtant accueilli, l’an dernier (en 2019), que 7 des 44 navires en fin de vie battant pavillon d’un État membre. 23 ont rejoint le chantier turc d’Aliaga (non agréé, lui, par Bruxelles) et 14 le Bangladesh et l’Inde avec un pavillon de complaisance.”

Et les traditionnelles difficultés en Méditerranée, concernant l’aide aux migrants, restent évidemment sur la table. Un cargo danois a dû attendre plus d’un mois, en août, pour transférer à un autre bateau les 27 migrants qui avaient trouvé refuge à bord.

« L’incapacité de l’Union européenne à trouver une solution donne un très mauvais exemple pour le transport maritime », a estimé Robert Maersk Uggla, le PDG du danois AP Möller Holding, la maison mère de Maersk Tankers, le bateau danois concerné. Ses propos ont été rapportés par Le Monde dans un article alarmant sur cette urgence. La situation cause d’impossibles casse-têtes.

Dans l’ensemble, les réductions d’activité se traduisent par une baisse des commandes auprès des armateurs et pourraient avoir des conséquences sur le long terme. Au deuxième trimestre 2020, les exportations ont plongé en Europe (− 24,5 %) et si la chute s’annonce finalement moins lourde que prévu, la reprise a baissé de rythme. Tant et si bien que pour les échanges commerciaux également, comme pour la course au vaccin ou les questions relatives à l’immunisation virale, c’est l’incertitude qui prédomine. Les bateaux ne disparaîtront pas des mers européennes de sitôt, mais il est difficile de prédire comment ils y resteront.

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