Une bannière chahutée par le soviétisme
L’Üçrüngli Bayraq, ou drapeau tricolore, de l’Azerbaïdjan est adopté pour la première fois le 9 novembre 1918 à l’occasion de la première indépendance du pays, et vient remplacer une bannière similaire excluant les bandes verte et bleue. Officialisée en mai de la même année, l’indépendance s’inscrit dans un nouveau « Printemps des peuples » dans l’empire russe en ruines. L’Azerbaïdjan devient alors le premier État démocratique laïc moderne du monde musulman. Le pays est néanmoins rapidement rattrapé par l’histoire : l’Armée rouge remet la main sur les territoires perdus dès 1920 et met fin aux rêves de nombreux peuples. La période soviétique voit défiler de nombreuses bannières, plus ou moins sur le même thème. Dans la droite ligne de la politique multiculturelle soviétique alors en vigueur, des symboles nationaux sont représentés : le croissante et l’étoile pour la religion majoritaire, puis « Azerbaïdjan » écrit en lettres arabes (le pays a changé plusieurs fois d’alphabet tout au long du XXème siècle) jaunes sur fond vert dans le canton supérieur côté hampe avec le traditionnel aplat rouge. En 1922, l’Azerbaïdjan est fondu avec les autres républiques fédérées d’Arménie et de Géorgie dans une République socialiste fédérative soviétique de Transcaucasie (RSFST), ce qui aura des conséquences terribles pour la région du Haut-Karabagh en particulier, jusqu’en 1936. Cette année-là, les symboles identitaires sont remplacés par les initiales de la république socialiste surmontée de la faucille et du marteau soviétiques. Dans les années 1950, un grand mouvement de modification des drapeaux est opéré : les initiales cyrilliques sont pour la plupart supprimées au profit de bandes colorées verticales ou horizontales (l’Estonie et la Lettonie arborent même une bande bleue stylisant une vague) représentant un élément géographique. L’Azerbaïdjan hérite alors d’une bande bleu sombre en bas du drapeau illustrant la mer Caspienne. C’est la chute de l’URSS qui permet le retour au tricolore bleu-rouge-vert, réadopté officiellement le 5 février 1991, précédant l’indépendance formalisée le 30 août suivant. En 2009, les autorités du pays font d’ailleurs du 9 novembre, jour de la première adoption en 1918, la Journée nationale du drapeau.
Une identité assumée
Créé par le leader nationaliste Ali Bey Hussein Zade, le drapeau azerbaïdjanais se compose ainsi : une bande azur pour les racines turques du pays, une bande rouge pour le besoin de progrès et de modernisation en suivant l’exemple des pays européens, une bande verte pour les racines islamiques. Le croissant et l’étoile sont des symboles traditionnels que l’on retrouve sur la plupart des pavillons de pays musulmans. Les huit branches de l’étoile renvoient aux huit grands groupes ethnolinguistiques turcs, à savoir les Azéris, les Turcs de Turquie, les Djagataïdes de Turkménistan, les Tatars, les Kipchaks (Tatars, Kazakhs et Kirghizes), les Seldjoukides ainsi que les Turkomans. Une autre version renverrait aux huit lettres d’« Azerbaïdjan » en arabe.
L’épanouissement de l’identité ethnique turque en Azerbaïdjan est très apprécié de l’autre côté de la frontière, à Ankara. En effet, la Turquie d’Erdoğan s’appuie depuis plusieurs années sur cette identité pour tenter d’harmoniser le monde turcophone, et cela passe par une intervention militaire contre l’Arménie. Le bleu azur est d’ailleurs sensiblement le même que celui que l’on retrouve sur le drapeau de l’Ouzbékistan, dans la sphère turcophone ainsi que celui du Turkestan oriental, cette région séparatiste à l’extrême ouest de la Chine, peuplée d’Ouïghours violemment réprimés par Pékin. Dans ce pays semi-dictatorial, les couleurs nationales sont évidemment au cœur de la politique de l’État. Elles luisent fièrement sur les Tours Flammes, symboles modernistes de la capitale Bakou. En 2010, un mât de 162 mètres a été érigé pour faire flotter un drapeau de 350 kg sur les rives de la Mer Caspienne. Au concours de qui aura la plus grosse bannière, l’Azerbaïdjan a cependant été détrôné par le Tadjikistan en 2011, lui-même battu par l’Arabie Saoudite depuis 2014 et son mât culminant à 171 mètres. Renversant...
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