Un long processus remis en cause
« L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Si ces mots de l’ancien ministre des Affaires étrangères français, Robert Schuman semblent encore résonner dans le salon de l’horloge du Quai d’Orsay à Paris, ils sont d’abord les prémices d’une intégration lente et difficile des pays candidats au sein de l’Union.
En effet, si la nécessité de reconstruire une Europe dévastée par la seconde guerre mondiale s’est imposée comme une évidence, appelant à une mutualisation des ressources avec l’adoption du traité de Paris le 18 avril 1951 et la création de la CECA (communauté européenne du charbon et de l’acier), le consensus politique de l’intégration lui, ne semble pas aussi évident.
À la suite de l’adoption du traité de Rome le 25 mars 1957 voyant la création de la CEE (communauté économique européenne), l’Europe des six composée de la France, de la République fédérale d’Allemagne, de l’Italie, de la Belgique, du Luxembourg et des Pays-Bas s’est accordée sur la nécessité de s’élargir et de se renforcer dans un contexte de guerre froide entre les superpuissances russes et américaines.
Toutefois, la première candidature initiée par le Royaume-Uni dès 1961 n’a pas manqué de faire des émules et d’essuyer des refus catégoriques à répétitions de la part de la France et du Général de Gaulle, y voyant une mainmise des États-Unis et un jeu d’influence sur les politiques européennes et sur la souveraineté de ses Etats amenant la France à faire usage de « la politique de la chaise vide » bloquant toute action de la CEE. Ainsi, la réalisation du Brexit devenue effective le 31 janvier 2020 n’a pas manqué de jeter un froid sur cet idéal européen dont rêvaient nos pères fondateurs.
Un processus d’intégration resté longtemps au point mort
Dix ans après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne, le 1er janvier 2030, les Etats membres de l’Union ont fait le choix fort de valider l’entrée de trois pays candidats issus des Balkans mettant fin à une longue attente pour l’Albanie et la Macédoine du Nord dont les négociations ont été officiellement ouvertes le 24 mars 2020 et pour le Monténégro, candidat depuis juin 2012.
Toutefois, ce nouvel élargissement de la communauté européenne ne s’est pas fait sans heurts ni tensions, loin s’en faut. En effet, la crise pandémique de la Covid-19 a mis à mal les économies du monde entier, y compris celles des pays candidats qui ont bénéficié d’une aide sans précédent des différents instruments financiers européens.
En tout, 300 milliards ont été alloués pour conclure cet accord historique signé entre les trois nouveaux Etats membres et leur homologues européens. Pourtant, cela n’a pas manqué de soulever une vague de protestations et d’inquiétudes des pays du sud à l’instar de l’Italie et de l’Espagne fortement endeuillés et impactés par la dernière pandémie mondiale mais également le scepticisme sous-jacent concernant la stabilité de cette région d’Europe.
Une nouvelle ère pour l’Europe ?
Le 9 Mai 2035 déjà, le président français de la Commission européenne se confiait dans nos colonnes et se disait « ravi » et saluait une décision « historique » symbole d’une démocratisation de ces pays des Balkans, ouvrant la voie à leurs voisins. En effet, la Bosnie-Herzégovine et le Kosovo officialiseront leurs candidatures dès demain. Mais quels sont les effets de cette nouvelle intégration ?
Les progrès démocratiques et économiques ont été impressionnants et semblent confirmer le bon choix de leur intégration. En effet, si ces pays ont une croissance annuelle entre 3 et 5% de leur PIB depuis six ans, les progrès en matière de liberté de la presse notamment ne sont pas ceux attendus à ce jour et ce, malgré des débuts prometteurs.
La Macédoine semble toutefois faire figure d’élève modèle malgré des tensions politiques internes liées aux mouvements nationalistes qui n’acceptent toujours pas ce nom de Macédoine du Nord. La récession économique qui a découlé de la dernière crise sanitaire et les tensions politiques qui gangrènent l’Europe de l’Est ne sont pas pour rassurer les classes dirigeantes européennes sur ce nouvel élargissement.
Des tensions toujours vivaces qui remettent en cause le « projet européen »
Tout le monde se souvient de l’attentat meurtrier à la bombe faisant 13 morts et une centaines de blessés à Athènes le 13 juillet 2032, œuvre d’un nationaliste Macédonien. Ce triste événement rappelle les tensions internes au sein de l’Union européenne et a suffit à faire le jeu des nationalistes et populistes de l’Europe entière, contre tout projet d’élargissement européen et souhaitant même l’implosion de l’UE.
Autres sources de préoccupation pour la diplomatie européenne, le double jeu de la Turquie et de la Russie vis-à-vis du Kosovo. Ces deux pays se livrant à un jeu d’influence profitant de ses rapports toujours très tendus avec la Serbie, ne manque pas de s’attaquer à la cohérence du projet européen et de l’impuissance de l’UE à agir de concert comme ce fut le cas une nouvelle fois avec l’annexion du Donbass par la Russie il y a dix ans déjà.
Des motifs d’espoirs
Si les tensions sont toujours aussi vivaces dans cette région d’Europe que sont les Balkans, l’intégration de ces nouveaux États membres a permis le développement d’un nouveau projet d’Europe de la défense avec la création prévue pour 2040 d’un centre interarmées dont le siège prendra ses quartiers à Marseille réunissant les États-Majors de tous les membres de l’Union sous la supervision du conseil de l’UE et des différents ministres de la défense avec la création en parallèle d’un conseil de défense européen.
A cela, ajoutons la création prévue pour 2050 d’une agence fiscale européenne dont le rôle principal sera de veiller à la bonne harmonisation des politiques fiscales européennes avec l’adoption d’une assiette fiscale européenne unique et d’une taxe minimale sur les sociétés à 25%.
Alors oui, le projet européen tel que l’ont pensé nos pères fondateurs connaît des moments de doutes et semble parfois ébranlé par les nombreux défis et opposants qui se présentent à lui. Toutefois, si ce projet ne semble pas encore s’orienter vers un fédéralisme européen, la force de volonté de ses États membres prouve aujourd’hui encore qu’une plus grande cohésion et une meilleure unité est possible entre Européens, pour une Europe unie et solidaire.
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