Avec le Traité de Lisbonne, une ambition fédéraliste contrariée
Le 9 mai 2021 a vu l’ouverture à Strasbourg d’une large consultation qui, selon ses promoteurs les plus optimistes, pourrait mener à une nécessaire réforme des traités européens : la Convention sur l’Avenir de l’Europe. Seize ans après le fiasco du Traité constitutionnel européen, son remplaçant mal aimé, le Traité de Lisbonne, est toujours en vigueur malgré des dysfonctionnements persistants. Son appellation un temps proposée par le président Sarkozy de « mini-traité » témoignait déjà à l’époque d’une ambition de transformation finalement assez limitée en comparaison de la démarche adoptée par la Convention sur l’Avenir de l’Europe. Plus de « Constitution », de « loi-cadre » ni même de symbole européen (hymne, drapeau, …) : tout ce qui faisait référence à l’émergence d’une fédération européenne a alors été rayé d’un trait de plume… sur le papier.
Mais bien qu’en perte de vitesse, le fédéralisme européen avait encore de nombreux partisans, y compris au sein des institutions. Le 9 mars 2017 s’ouvrait ainsi au Parlement européen de Strasbourg la Convention européenne de la Jeunesse en présence de 150 jeunes issus de 38 pays. Un grand événement international qui a accouché de deux textes adoptés par un vote le 12 mars : la Déclaration de Strasbourg, texte d’intention et d’engagement pour appeler à la refonte du projet européen, 60 ans après la signature de son traité fondateur, et la Constitution pour l’Europe, élaborée par les jeunes participants. Parmi les nombreuses autres évolutions structurelles, chaque membre de l’exécutif européen, dont le chef de celui-ci, doit désormais être approuvé par le Parlement européen. Un Sénat européen vient quant à lui compléter le pouvoir législatif. Enfin, de nouvelles compétences sont accordées aux institutions fédérales qui viennent compléter collectivités locales et États membres, ces derniers subsistent mais perdent toute possibilité d’opt-out.
Evaluer et améliorer le modèle fédéral européen
De cette ambitieuse Convention européenne de la Jeunesse (mars 2017) a germé une idée originale : pourquoi ne pas expérimenter le fonctionnement d’un Europe fédérale ? Alors que les modèles de simulation d’institutions, européennes ou non, fleurissent à l’image du Parlement des Etudiants ou encore de la SPECQUE (Simulation du Parlement européen Canada-Québec-Europe), le projet du Model of European Federation puis du Y-Fed (pour « Why Federalism ? ») réussit le tour force de proposer un concept à la fois pédagogique mais aussi prospectif et concret sur une réflexion fédéraliste ancienne mais très largement théorique. Réunissant 150 jeunes participants et bénévoles issus de 41 pays pendant une semaine lors de la première édition du 11au 16 juin 2019, cet événement d’ampleur s’est déroulé pour sa première partie au Palais universitaire de Strasbourg puis en Allemagne au château d’Ortenberg. Chaque participant incarnait l’un des rôles suivants : membre du Parlement européen ou du Sénat européen, journaliste ou lobbyiste.
Le Y-Fed se distingue des autres événements de simulation sur deux aspects essentiels. Tout d’abord, son modèle s’appuie sur des institutions – décrites dans la Constitution européenne – telles qu’elles pourraient être et non telles qu’elles existent actuellement. Par ailleurs, à une simulation en situation dite « normale » (processus législatif classique) s’est ajoutée une simulation en situation de crise. Cette dernière innovation visait à éprouver l’efficacité d’institutions fédérales européennes face à des chocs majeurs et polymorphes face auxquels l’Union européenne dans sa forme actuelle est jugée défaillante, en l’occurrence un vaste mouvement migratoire lié à une crise sécuritaire majeure dans la zone sahélienne.
La contribution du Y-Fed à la réflexion fédéraliste
Outre la fructueuse rencontre de jeunesse qu’a constitué la 1ère édition du Y-Fed, ce projet a incontestablement apporté une pierre à l’édifice du fédéralisme européen. Tout d’abord, en sensibilisant plus d’une centaine de jeunes de tout le continent, bien au-delà des seuls réseaux des Jeunes Européens, il a contribué à expliquer, populariser et ainsi dépoussiérer l’image du fédéralisme européen, trop souvent perçu comme un vieux rêve poussiéreux, une utopie tombée dans le folklore politique, victime d’Etats membres jaloux de leur pré carré.
Mieux encore, le Y-Fed a permis d’entamer une réflexion approfondie sur l’efficacité réelle du fédéralisme européen face au modèle actuel. Avec une leçon intéressante : sortir le fédéralisme européen de sa zone de confort, de son terrain battu et rebattu de la théorie politique, pour l’amener par tous les moyens dans le débat et la confrontation au réel ne peut que le promouvoir, l’enrichir et finalement le crédibiliser auprès du grand public. Un beau défi pour la 2nde édition qui se tiendra à nouveau à Strasbourg du 14 au 19 juin 2021 !
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