Une coalition progressiste au Parlement européen ?

, par Thomas Buttin

Une coalition progressiste au Parlement européen ?

Alors qu’il y a peu Matteo Salvini et Viktor Orbán se rencontraient pour trouver des terrains d’entente en vue des élections européennes prochaines, la dichotomie entre progressistes et nationalistes ne cesse de progresser. Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge et chef de file des libéraux et centristes au Parlement européen, souhaite former un mouvement progressiste avec La République En Marche (LaREM) en vue des prochaines élections de 2019.

La proximité idéologique et politique entre les deux partis est évidente, tant sur les analyses que sur les propositions. Pourtant Christophe Castaner, délégué général de La République En Marche, a modéré ces propos en estimant que LaREM n’était pas dans une logique d’alliances.

Emmanuel Macron cherche à réinventer l’Europe. Il essaye de rallier à son projet d’autres personnalités européennes pour bâtir cette Union européenne de demain qu’il souhaite plus souveraine, plus unie et plus démocratique. En cherchant à créer une sorte de mouvement « En Marche » européen pour le prochain scrutin, il souhaite pouvoir porter son projet et faire de ces élections un enjeu crucial. Il ne peut cependant pas écarter l’importance d’alliances transnationales pour porter un projet progressiste qu’il veut inédit, ainsi que pour entretenir un débat public européen nécessaire.

L’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe

L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe (ALDE) est un groupe parlementaire qui rassemble des partis politiques européens libéraux et centristes. Si chacun des partis nationaux doit conserver sa propre identité et ses propres symboles, un mouvement plus large proposant une alternative pro-européenne aux nationalistes doit pouvoir exister. L’ALDE ne sera pas nécessairement le nom de cette mouvance politique, mais un parti européen, ou groupe politique au Parlement européen, rassemblant l’ensemble des progressistes européens est la clé d’une relance du projet européen. Il ne s’agit pas de vouloir conserver un statu quo, mais d’analyser la crise européenne et d’en trouver les solutions concrètes et pragmatiques.

Le programme politique européen d’Emmanuel Macron a été largement présenté lors des discours de la Sorbonne, au Parlement européen et à la Cour européenne des droits de l’Homme. Les grandes lignes du progressisme européen se dessinent dans la promotion de la paix dans le cadre d’une Union de type fédéral, dans la démocratisation européenne, la garantie des droits fondamentaux à tous les citoyens européens, dans le renforcement de la gouvernance économique, dans la transition écologique, dans l’affirmation de l’Union en tant qu’acteur politique mondial... Un tel mouvement politique européen pourrait rassembler le centre de l’échiquier politique de manière large : LaREM, le Parti libéral-démocrate allemand, le MoDem, Ciudadanos en Espagne, l’Union sauvez la Roumanie ou encore le parti démocrate néerlandais...

La recomposition politique nécessaire du Parlement européen

Le fonctionnement européen est aujourd’hui à bout de souffle. Ce système en partie fédéral, en partie intergouvernemental et requérant parfois l’unanimité freine la prise de décision et les propositions. La hauteur des enjeux doit pouvoir outrepasser ces logiques intergouvernementales et un groupe progressiste doit pouvoir s’emparer de ces questions : gestion des frontières, défense européenne, Europe sociale, dumping fiscal, transition écologique etc. Le problème majeur réside dans une recomposition politique organisée en fonction du projet européen au niveau national, mais qui n’a pas encore eu lieu au Parlement européen. Le nouveau visage de la prochaine législature devra prendre en considération ces changements et le débat européen. L’élection de 2014 a ignoré la progression substantielle des nationalismes, les partis classiques préférant jouer une coalition habituelle sans changement concret des pratiques politiques. Ce fut une erreur.

La dichotomie entre pro-européens et nationalistes est réelle dans le paysage politique national, elle devra l’être également au Parlement européen. Le centre élargi pro-européen devrait faire face aux extrêmes nationalistes et populistes par des alliances transnationales et en proposant une refondation de l’unité entre les peuples et la construction d’une souveraineté européenne. L’enjeu réside également dans le besoin d’une clarification des groupes parlementaires : comment des partis comme le tchèque ANO peut-il siéger au sein de l’ALDE ? Ou encore comment l’Union civique hongroise peut-elle siéger aux côtés de l’Union chrétienne-démocrate d’Allemagne au sein du Parti populaire européen ?

La progression des nationalismes : un mal pour un bien

La notion de nationalisme reste peu étudiée ou comprise, mais elle est une réalité sociale. Elle représente pour un peuple la volonté de promouvoir et de faire reconnaître son identité, ses valeurs et sa culture. A l’inverse du patriotisme qui n’est que promotion et fierté de certaines valeurs, le nationalisme est un courant de rejet, violent et peu conciliant. « Le nationalisme, c’est la guerre. » disait François Mitterand en 1994, à Berlin.

Rien n’est éternel. L’Union européenne pourrait disparaître avec sa promesse de paix et de prospérité, mais aussi avec toutes les opportunités qu’elle offre. Si les populismes gagnent du terrain, le Brexit illustre également la résurrection de l’attachement européen des populations. L’on constate d’ailleurs une véritable fédéralisation du débat politique général. Tandis que les nationalismes souhaitaient la fin de l’Union, la sortie du projet européen n’est plus d’actualité. Leur tentative d’alliance cherche désormais à défendre la souveraineté nationale contre la souveraineté européenne. Ce phénomène propre aux fédérations témoigne de la fédéralisation concrète de l’Union européenne : dans les systèmes fédéraux, l’échiquier politique est toujours scindé en deux pôles, entre les pro-fédérations et les défenseurs du pouvoir des États.

La progression des nationalismes apparaît en ce sens inévitable. Un mal pour un bien. La recomposition politique d’une telle sorte ne serait effectivement pas si négative et confirmerait l’aboutissement d’une construction politique supranationale. Le combat des progressistes pour défendre une évolution marquée de l’Union européenne et pour promouvoir nos valeurs communes existe. Mais il n’est alors que pure idéologie. Si l’on souhaite voir avancer rapidement l’Union sur les sujets urgents de notre siècle, il n’est pas envisageable que les nationalismes remportent l’échéance électorale européenne.

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