Une Europe plus fédérale après la crise du coronavirus ?

, par Léo Allaire

Une Europe plus fédérale après la crise du coronavirus ?
Ursula von der Leyen lors de la dernière séance plénière du Parlement européen à Bruxelles, où elle a notamment appelé à raviver “l’esprit de Ventotene” pour réformer l’UE post-coronavirus. Crédit : Union européenne 2020 - EC Service audiovisuel

Un sujet du « Grand Format Européen » sur le coronavirus.

La crise du COVID-19 a complètement mis à bas les certitudes d’hier : le Pacte de stabilité a volé en éclats, au moins pour le temps de la crise, la plupart des Etats d’Europe est plongée dans un long confinement qui aura des conséquences économiques et sociales majeures. La solidarité et le dialogue international sont nécessaires pour traiter cette pandémie efficacement alors que l’échelon national n’est plus suffisant pour faire face aux crises. Comment une Union européenne plus intégrée peut-elle répondre aux crises sanitaire, économique et sociale ? Comment l’Union peut aller plus loin pour être plus efface en choisissant réellement et pleinement l’option fédéraliste ?

L’UE dispose de compétences exclusives, notamment sur le plan économique et commercial. Il s’agit bien évidemment du marché unique, devenu effectif depuis la signature du traité de Rome en janvier 1957. C’est un outil effectivement fédéraliste, puisque l’Union européenne a des compétences précises et que les règles sont supranationales. Celui-ci sera indubitablement un outil utile pour relancer les économies des Etats-membres, car il regroupe à la fois de nombreuses entreprises et des centaines de millions consommateurs.

Des compétences et des outils propres

Rappelons également que l’Union européenne dispose de la compétence exclusive en matière de négociation de traités commerciaux. Faudrait-il que celle-ci développe davantage ses échanges commerciaux en négociant de nouveaux accords commerciaux ? Nous vous laissons peser le pour et le contre.

Rappelons au passage que la PAC (Politique Agricole Commune) est un outil important dont dispose l’Union pour ce qui est de la souveraineté alimentaire. Or le secteur agricole est, avec celui de la santé, un des secteurs les plus essentiels lors du confinement. Et celui-ci est particulièrement touché par la désorganisation du système productif. Des aides européennes et des mesures ont été prises pour aider les agriculteurs et les pêcheurs à faire face aux problématiques qu’ils rencontrent ou vont rencontrer. Si l’activité commerciale est donc très fortement liée à l’Union européenne, cet outil supranational ne sera cependant pas suffisant pour faire face aux crises.

L’Union européenne dispose d’un autre outil de nature fédérale qui permettrait de résoudre certains problèmes. Il s’agit des fonds distribués par aux Etats-membres, que ce soient le Fonds de cohésion, le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Fonds de solidarité de l’Union européenne notamment. Ces fonds incarnent bien l’idée fédérale de solidarité. Ces fonds seront particulièrement utiles pour faire face à la crise et aux inégalités territoriales que va engendrer la crise économique et par extension la crise sociale.

Rappelons également que l’Union européenne dispose de compétences partagées en matière d’environnement (sauf pour la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche, qui est une compétence exclusive) qui sera un des enjeux majeurs (avec le numérique) dans la reprise économique, ainsi que dans la recherche pour trouver un vaccin et relancer l’économie européenne.

Le troisième élément (imparfaitement) fédéraliste est bien sûr la monnaie commune au sein de la zone euro. L’euro est géré par la Banque Centrale Européenne (BCE), une institution qui a réagit notamment en rachetant massivement 750 milliards d’euros de dette publique et privée (un chiffre porté ensuite à 1000 milliards d’euros).

Un nouvel outil d’inspiration fédéraliste sur le plan économique va également être mis en place. Il s’agit du mécanisme SURE, proposé par la Commission européenne sous forme d’une aide de 100 milliards d’euros pour financer le chômage partiel dans l’Union européenne. Ce plan représente en fait un début de mise en commun des moyens, et représente un véritable soutien pour les Etats.

Aller beaucoup plus loin

Si ces outils sont bien de nature fédéraliste, l’Union européenne n’est en revanche pas une fédération à part entière. En effet, si le Parlement européen a bien pu s’exprimer, ses résolutions, pourtant le fruit du travail de député.e.s élu.e.s au suffrage universel, ne sont pas toujours suivies par la Commission européenne et/ou par le Conseil européen. Or, le travail de nos député.e.s est primordial pour relayer les attentes des citoyennes et citoyens, mais aussi pour faire des propositions dans la lutte contre le COVID-19. En effet, une fédération européenne impliquerait non seulement un espace public européen que nous avons vu timidement pendant cette crise, mais aussi une démocratie européenne renforcée.

De plus, si l’Union européenne a été accusée de ne pas faire assez dans le domaine de la santé, ce domaine ne relève pas de sa compétence, qui demeure le domaine des états membres (l’UE ne possédant qu’une compétence d’appui). Or, dès le début de la crise est apparue la nécessité d’agir de manière coordonnée pour confiner de manière efficace les Européennes et les Européens, organiser la solidarité entre Etats (qui s’est bien produite) et penser une stratégie de déconfinement efficace.

S’il existe déjà un certain nombre d’agences telle que l’Agence européenne des médicament, il est nécessaire de doter l’Union de compétences partagées avec les états membres. La Commission a d’ores et déjà mis en place un fonds pour rassembler du matériel médical et un fonds pour la recherche d’un vaccin. Cependant, ces initiatives doivent aller plus loin si l’on souhaite bâtir une véritable efficacité et une véritable solidarité en matière de santé dans l’Union européenne.

Mais la réponse fédéraliste de se limiterait pas à une simple augmentation des budgets. Il faut en effet aller plus loin dans la lutte contre les inégalités et faire preuve de solidarité. Il existe en effet de nos jours une fracture entre pays dits du Nord et pays dits du Sud qui éprouvent plus de difficultés à financer leurs dépenses et à s’endetter. C’est pourquoi le débat sur les Recovery Bonds ou coronabonds, c’est-à-dire la possibilité donnée à l’Union européenne de s’endetter à la place des états membres est un débat particulièrement important pour les fédéralistes.

Par extension, et même si obtenir la création de Recovery Bonds ne va pas être une mince affaire étant donnée l’opposition de l’Allemagne et des Pays-Bas entre autres, la création d’un système de mutualisation des dettes passées et futures permettrait de réduire cette fracture entre le Nord et le Sud de l’Europe.

La réponse européenne est fédéraliste en ce qu’elle recherche la coordination et la solidarité entre les Etats-membres de l’Union européenne et qu’elle utilise dans certains domaines le principe de subsidiarité. Elle dispose dès à présent d’outils pour faire face à la crise que sont les fonds européens, le marché unique et certaines compétences exclusives et partagées. La Commission a mis en place un certain nombre de mesures d’inspiration fédéralistes nécessaires pour les citoyennes et les citoyens. Cependant, cette crise a révélé les profondes lacunes du fonctionnement actuel de l’Union dans pareille crise.

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