Une Europe plus verte en 2020 ?

, par Théo Boucart

Une Europe plus verte en 2020 ?

ANALYSE. 2020 a été une année pivot dans la législation climatique européenne. Retour sur cette année très riche en enseignements et rebondissements, entre la mise en place du Pacte Vert pour l’Europe, décidé en décembre 2019 et la pandémie de coronavirus.

Quel bilan « énergie-climat » pour l’Union européenne en 2020 ? C’est la question à un million d’euros, tant la réponse n’est pas évidente. Alors que l’année avait plutôt bien commencé avec l’annonce du Pacte Vert pour l’Europe par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi que la loi climatique par son vice-président exécutif Frans Timmermans, la pandémie de COVID-19 a coupé l’élan. 2020 est également l’occasion de dresser un bilan d’étape des stratégies antérieures, comme le paquet climat-énergie 2020 voté en 2008.

Lors de son discours d’investiture, en juillet 2019, Ursula von der Leyen a fait de la lutte contre le changement climatique et de la transition énergétique la priorité de sa Commission, après un quinquennat de Jean-Claude Juncker plutôt positif dans l’action climat-énergie. 2020 est donc une année révélatrice pour savoir si cette priorité sera tenue, à l’orée d’une décennie décisive pour l’avenir de l’humanité.

Ceci est d’autant plus vrai que de nouvelles menaces environnementales prennent une ampleur considérable sur notre continent, comme « l’envicrime », la criminalité environnementale qui a fait l’objet d’un rapport détaillé ainsi que d’un entretien dans nos colonnes.

Bilan chiffré en demi-teinte

Voté par le Parlement et le Conseil de l’UE en décembre 2008, le paquet climat-énergie 2020, le premier texte d’envergure pour la transition énergétique européenne, a fixé le fameux objectif « 20-20-20 » : une baisse des émissions de gaz à effet de serre (GES) de 20% par rapport à 1990, une part de 20% des énergies renouvelables dans le mix énergétique, et une augmentation de l’efficacité énergétique de 20%. La grande innovation politique consistait en la mise en place d’objectifs européens et nationaux contraignants (contrairement au paquet climat-énergie pour 2030, où les objectifs nationaux disparaîtront au profit d’objectifs uniquement paneuropéens). La gouvernance de l’Union de l’énergie a repris en partie cette logique nationale et européennes, via les « Plans nationaux énergie et climat ».

Douze ans après le vote du paquet, le bilan est en demi-teinte. Si l’objectif semble atteint pour la baisse de gaz à effet de serre (-24% depuis 1990, selon une étude parue en novembre dernier), et devrait l’être pour les énergies renouvelables (en 2019, celles-ci représentaient 19,7% du mix énergétique européen et 40% du mix électrique au premier semestre 2020), ce ne sera pas le cas de l’efficacité énergétique, l’objectif numéro un de la stratégie européenne.

En outre, les calculs de la Commission européenne ne tiennent pas compte des gaz à effet de serre importés à mesure que l’Europe délocalise sa production sur d’autres continents. Alors qu’entre 1995 et 2018, les émissions intérieures ont diminué de 30%, les émissions importées ont augmenté de 78% sur la même période.

L’Union européenne a augmenté considérablement son niveau d’ambition pour les prochaines décennies, avec une baisse des GES de 55% sur la période 1990-2030 (comme convenu par le Conseil européen de décembre 2020) et surtout la neutralité climatique en 2050. Des objectifs que l’UE vient de notifier auprès de la Convention-cadre des Nations Unies pour les Changements Climatiques (CCNUCC) afin de se conformer à l’Accord de Paris sur le climat signé en 2015. Par conséquent, celle-ci doit accentuer ses efforts pour atteindre les cibles établies.

COVID-19 et climat

Pendant un temps, d’aucuns ont considéré que la pandémie de COVID-19 allait faire baisser considérablement les émissions de GES. Force est de constater qu’il n’en est rien, les mouvements de stop and go de l’économie mondiale ne font qu’aggraver le problème de la pollution dans de nombreux endroits du monde. En outre, le lien entre propagation des virus et destruction de la biodiversité semble de plus en plus évident, comme l’a souligné Laurence Tubiana dans une interview en mars dernier, où elle cite les travaux du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), selon lesquels la déforestation et la fonte du pergélisol boréal causeraient une augmentation de 31% des zoonoses (les maladies d’origine animale).

D’un point de vue politique, de nombreux pays en Europe, en particulier des pays d’Europe centrale et orientale, ont publiquement remis en cause la pertinence du Pacte Vert pour l’Europe face à l’urgence sanitaire. Alors qu’une troisième vague semble de plus en plus plausible, et qu’une mutation assez inquiétante du coronavirus est apparue dans le Sud du Royaume-Uni, réfléchir sur les liens entre lutte contre le changement climatique et risques épidémiologiques est de plus en plus urgent.

Relance verte ?

La solution passerait-elle par l’économie ? Le plan de relance Next Generation EU, présenté par la Commission le 27 mai, adopté lors d’un Conseil européen ubuesque le 21 juillet, et définitivement approuvé lors du dernier Conseil européen, le 11 décembre, doit réserver une partie de ces crédits à la transition énergétique et la lutte contre le changement climatique. Le plan de relance étant adossé au budget européen, celui-ci doit également réserver un certain pourcentage à la transition verte.

Alors que le chiffre de 30% circulait régulièrement dans les arcanes bruxelloises et la presse, les institutions européennes se sont décidées vendredi 18 décembre à fixer un objectif de 37%, soit 250 milliards d’euros sur les 672,5 milliards que compte le Recovery and Resilience Facility, cœur du plan de relance de 750 milliards d’euros. Si des députés européens de premier plan se sont félicités de l’accord, comme Pascal Canfin, cette somme reste très en-deçà de ce que d’autres députés strasbourgeois et des partis politiques ont préconisé. Tandis que le plan d’investissement lancé par Jean-Claude Juncker avait été critiqué pour sa trop faible part dédiée aux investissements verts, Next Generation EU devra montrer que l’UE peut investir dans l’avenir et se positionner sur des secteurs à forte valeur ajoutée.

Désaccords interinstitutionnels

L’un des points d’attention du Pacte Vert pour l’Europe, outre la loi climatique entérinant l’objectif de neutralité climatique, est le rehaussement de l’objectif intermédiaire à l’horizon 2030. Le paquet climat-énergie voté en 2014 avait fixé le seuil à 40%. Ursula von der Leyen avait souhaité augmenter considérablement l’objectif « à 50% ou 55% » par rapport à 1990. Finalement, et après une étude de faisabilité, la présidente de la Commission a annoncé retenir le chiffre de 55% lors de son discours sur l’Etat de l’Union le 16 septembre dernier.

Pourtant, quelques jours plus tard, le Parlement européen votait en séance plénière d’octobre une résolution portant l’objectif à 60%. Une décision qui n’a cependant pas plu à tous les députés européens. Lors d’un débat autour du Pacte Vert durant l’Université d’Automne du Mouvement Européen à Troyes quelques jours après la séance plénière, le député Christophe Grudler, membre de la commission ITRE avait appelé « à ne pas changer les règles du jeu en cours de route » et à se conformer à ce que la Commission avait annoncé.

Finalement, le Conseil européen a penché en faveur de l’exécutif européen et a entériné le seuil de 55% après la réunion des chefs d’Etat et de gouvernement de décembre. Ce n’est pas la première fois que le Parlement européen est perdant lors de ce type « d’arbitrage » qu’il soit de nature environnementale ou non. En mai dernier, l’hémicycle strasbourgeois s’était prononcé pour un plan de relance de 2000 milliards d’euros, bien plus que les 750 milliards finalement proposés.

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