Une pandémie qui ne dit pas son nom : le plan de l’UE pour vaincre le cancer

, par Samuel Touron

Une pandémie qui ne dit pas son nom : le plan de l'UE pour vaincre le cancer
Eric Mamer, porte-parole en chef de la Commission européenne, Margaritis Schinas, vice-président pour la protection du mode de vie européen et Stella Kyriakides, commissaire à la Santé, le 3 février 2021, lors de la présentation du plan européen de lutte contre le cancer (source : Commission européenne)

« 1,3 million ». C’est le nombre d’Européens qui sont morts du cancer en 2020, un nombre en augmentation constante et qui fait du cancer la « maladie du siècle ». Le taux d’incidence ne cesse de s’accroître dans les pays industrialisés, du fait de nos modes de vie mais également de la pollution de nos environnements. D’autant plus que ce nombre d’1,3 million de décès par an est largement sous-estimé. On meurt certes du cancer, mais aussi et surtout des infections et maladies induites par l’affaiblissement du système immunitaire. En outre, la pandémie de Covid-19 et les politiques de santé appliquées ont conduit à un retard massif des dépistages des cancers menant à une situation potentiellement dramatique…

L’Union européenne, comme l’ensemble des pays industrialisés, fait face à une situation nouvelle dans la lutte contre le cancer. Alors que le cancer était jusque dans les années 1980 très mal traité avec des taux de mortalités importants, les progrès de la médecine, dans le domaine de la chimiothérapie et surtout dans l’immunothérapie ont permis de faire baisser le taux de mortalité et d’accroître l’espérance de vie des patients, qu’ils vivent ou non avec la maladie. En parallèle, les taux d’incidence des cancers, principalement ceux du poumon, du sein, de l’ovaire, du testicule, de la prostate et de la thyroïde, n’ont jamais été aussi élevés, nécessitant de mettre en place des politiques nouvelles dans la prévention et le dépistage. La France et la Suède sont les deux pays avec les meilleurs taux de survie post-cancer après 5 ans. Ainsi, 85% des femmes diagnostiquées avec un cancer du sein entre 15 et 44 ans survivent plus de cinq ans, on atteint 95% pour le cancer de la thyroïde mais seulement 6% pour le cancer du pancréas, quasiment incurable.

Problèmes communs, réponse commune

Cette nouvelle donne pose une question nouvelle : comment assurer la préservation de notre modèle de santé alors que les frais de santé liés au traitement du cancer et post-cancer vont croître considérablement dans les années à venir ? Si il n’existe pas encore un système de santé européen, l’homogénéisation des politiques de santé conduit à anticiper les problématiques à venir. Si l’idée d’une Europe de la santé est ancienne, les errances de l’UE et les actions désordonnées et parfois meurtrières des Etats ont accéléré les initiatives en faveur de son développement.

Le plan européen pour vaincre le cancer constitue l’un des axes majeurs d’une Europe de la santé en gestation. Annoncé en novembre 2020 par la présidente de la Commission, il se divise en quatre domaines d’actions, comprenant dix initiatives principales ainsi que des mesures annexes pour un budget global de 4 milliards d’euros. L’enjeu est de taille, car d’ici à 2035, les cas de cancer dans l’UE devraient croître d’au moins 25% (l’impact négatif de la pandémie n’ayant pas été pris en compte au-moment de l’étude). Rappelons également que les traitements contre les cancers sont parmi les plus coûteux au monde : en 2020, l’incidence économique pour l’UE a été d’environ 100 milliards d’euros.

Ce nouveau plan ambitieux s’articule autour des axes suivants : prévenir, détecter précocement, diagnostiquer et traiter, améliorer la qualité de vie. Il se combinera à des stratégies nationales dont celle de la France, qui le 4 février, a lancé son plan décennal de lutte contre le cancer, doté pour sa part d’un budget de 1,74 milliards d’euros et dont les objectifs sont coordonnés à ceux du plan européen. Nous assistons donc à une européanisation du domaine de la santé et notamment ici de la médecine préventive, de l’oncologie et des soins palliatifs. L’européanisation ne peut ici qu’être bénéfique à la France quand on observe, avec effarement, la disparition de la médecine scolaire et de la médecine du travail, la pauvreté des politiques de prévention, le grand âge des médecins français, la multiplication des déserts médicaux et le manque de moyens des hôpitaux publics. Si l’action de l’UE dans le domaine de la santé complète aujourd’hui celle des États (article 168, TFUE) l’impact de la pandémie de Covid-19 pourrait conduire les États européens appauvris et traumatisés à en faire un domaine communautaire.

Un programme ambitieux, clef de voûte de l’Europe de la santé

Un exemple pour prouver cette européanisation de la santé. Alors que le premier programme Santé de l’UE (2003-2007) disposait d’un budget de 353,77 millions d’euros, le programme « EU4Health » (2021-2027) disposera d’un budget de 4,9 milliards d’euros. Une anecdote est intéressante : le Conseil européen avait à l’origine opté pour un budget de 1,6 milliards d’euros, allant à l’encontre de l’avis de la Commission qui se positionnait pour un budget de 4,9 milliards d’euros. Une pandémie plus tard, le Conseil européen votait finalement à l’unanimité, pour suivre l’avis de la Commission. Bien sûr, 4,9 milliards d’euros restent trop peu en comparaison des budget de santé des États membres (222,3 milliards pour la France par exemple) mais c’est un chiffre qui a été plus que décuplé en l’espace d’une décennie et qui témoigne d’une Europe de la santé naissante.

Le plan européen pour vaincre le cancer financé par les fonds liés aux programmes « EU4Health », « Horizon Europe » et au programme pour une Europe numérique est un premier pilier pour l’Europe de la santé de demain. Le plan prévoit, autour des quatre axes énoncés précédemment, des initiatives et objectifs concrets : la construction d’un centre européen de connaissance sur le cancer et d’une initiative européenne pour l’imagerie du cancer d’ici à 2022 ; la vaccination de 90% des jeunes filles contre le papillomavirus et d’un nombre croissant de jeunes garçons d’ici à 2030 ; le lancement d’un programme européen de dépistage du cancer et d’un réseau européen des centres d’oncologie nationaux ainsi que le financement de divers laboratoires de recherche sur le cancer ; la récolte, le traitement et l’utilisation des données médicales sur les patients survivants du cancer ; la création d’un registre sur les inégalités face au cancer afin d’en limiter les causes et les effets ; la création d’un réseau d’aides et de soutien européen pour les enfants atteints d’un cancer. L’ensemble de ces objectifs et initiatives doivent permettre d’ici à 2030 une limitation de la hausse du taux d’incidence des cancers en Europe, une amélioration des conditions de vie des personnes en résilience et une baisse du taux de mortalité.

« Maladie du siècle », le cancer nous enlèvera à toutes et tous un proche ou peut-être nous prendra t-il la vie. La dégradation de notre alimentation, de notre environnement, de nos comportements et habitudes a joué un rôle dans l’explosion du taux d’incidence des cancers depuis une trentaine d’années. Si l’Europe s’engage au travers de son plan pour vaincre le cancer, de « EU4Health » et du « Green New Deal », il est de notre devoir à chacune et chacun d’entre nous d’agir en individus responsables. Profitons de chaque moment de la vie, ne soyons pas anxieux ou stressés, respectons notre corps en adoptant un mode de vie sain tout en sachant nous faire plaisir et surtout, participons aux campagnes de prévention et de dépistage organisées régulièrement. Personne n’est invincible, personne n’est à l’abri et peu importe les milliards investis, la vie n’a pas de prix.

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