Reculs en haute mer ?

L’Union Européenne entre désirs et réalité dans le golfe d’Aden

, par Traduit de l’anglais par Olivier Beddeleem

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Reculs en haute mer ?

Afin de combattre la piraterie dans le golfe d’Aden, l’UE est sur le point de lancer l’opération « Atalanta » le 8 décembre, qui donne aux forces un ‘mandat robuste’ de sécuriser les navires marchands et autres bateaux au large des côtes de la Somalie.

Le mandat de la PESD insiste sur la résolution du problème de piraterie maritime, contredisant la tradition de la PESD de procurer une réponse globale aux crises. Qu’est-ce qui fait que l’UE adopte une approche qui ne s’intéresse qu’aux effets et non aux causes ? Cette opération va amener l’Union Européenne à sécuriser 3.000 km de côtes et des milliers de kilomètres carrés de haute mer avec quelques bateaux et avions. La réponse se cache dans la question : Qu’est ce qui serait nécessaire pour apporter une réponse globale à la crise somalienne ?

Route dégagée pour pirates sur une voie vitale pour l’énergie occidentale

L’activité de piraterie dans le Golfe d’Aden a augmenté ces dernières années. Depuis la guerre civile de 1991, la Somalie s’est enfoncée dans le chaos. Il n’y a pas d’administration, pas de police nationale ou d’armée qui puisse combattre les criminels. Définir qui sont les criminels, dans cette situation, est en soi un challenge. L’administration actuelle, appuyée par les forces éthiopiennes, entre en conflit avec les groupes islamiques et ne tient en réalité pas le pays.

Quittant leurs cachettes de Eyl, Harardhere ou Garowe dans la région somalienne du Puntland, les pirates détectent les bateaux et les piratent jusque 800km des côtes. Selon Noël Choong, directeur du ‘International Maritime Bureau’, 94 bateaux ont été attaqués depuis janvier 2008 et 38 ont été capturés. Du fait de l’absence de réaction internationale, les pirates sont devenus plus audacieux, capturant de plus en plus de bateaux et les conduisant jusque leurs cachettes. Les bateaux et équipages ne sont restitués qu’en échange d’une importante rançon. Malgré le fait que les deux tiers des bateaux échappent à la capture, les pirates désorganisent l’une des artères les plus importantes et vitales de la route de l’énergie occidentale.

L’Union européenne s’implique dans la lutte

Une réponse internationale était inévitable et plusieurs solutions ont été présentées. Après la capture d’un navire ukrainien, transportant des armes et tanks, la Russie a envoyé la frégate « Neustraschimi » sur la zone. L’OTAN protège les convois du programme alimentaire mondial des Nations Unies et la France procure une sécurisation de convois traversant le Golfe d’Aden. Toutefois, du fait de l’étendue de la région, cette aide risque de ne pas être suffisante. Lentement mais sûrement, des sociétés de sécurité privée telles que Blackwater ou Drum Resources remplissent les lacunes de sécurité en escortant les navires à travers le Golfe d’Aden pour $50.000 par jour. Le mandant de la PESD a pour objectif de sécuriser les transports marchands et prendre le relais de l’OTAN pour le convoyage du programme alimentaire mondial. Toutes les actions entreprises consistent en une mission en haute mer avec une poignée de frégates et avions, capables de couvrir seulement 2% de la région. Du fait de cette constatation, est-ce que la mission doit être regardée comme une opération de caractère symbolique, un signal aux pirates qu’ils devront faire face aux conséquences s’ils continuent leurs opérations ? C’est certainement l’un des aspects de l’opération. De plus, quelles seraient les alternatives ? Entre autres, le secrétaire de presse du Pentagone Geoff Morrell indique que le problème de la piraterie requiert une approche globale de la part de la communauté internationale maritime, avec une opération terrestre de création d’un gouvernement et de développement économique

La souveraineté de la Somalie en jeu

Il faudrait une mission entière de création d’un Etat pour s’approcher du but d’établir une souveraineté somalienne. L’Europe serait prise en étau entre les intérêts de chacune des parties en conflit, avec beaucoup de chances que la mission échoue après des années d’engagement, sans compter les ressources investies à perte. La Somalie n’est pas les Balkans, situés à proximité immédiate de l’Union Européenne. Même sans la crise fianncière, une mission de création d’un Etat en Somalie serait une initiative risquée, presque impossible à réaliser. C’est la raison pour laquelle il n’est pas surprenant que l’Union Européenne ait décidé de mettre en place une opération limitée au large des côtes. Cette opération va au mieux lutter contre le syndrôme de la piraterie, mais ne luttera pas contre ses causes. Cela convient assez bien à la PESD d’accepter le caractère limité de ses ressources et de s’adapter à une perception réaliste du conflit.

La mission de la PESD seule sera insuffisante pour mettre fin à la piraterie. Toutefois, cela pourrait être une étape vers la résolution du dilemme. Pour l’instant, la PESD agira avec des ressources largement sous-dimensionnées dans cette région. C’est la raison pour laquelle les quelques forces doivent agir avec le maximum d’efficacité. La France procure des convois de manière irrégulière à travers le golfe d’Aden par le biais de « groupes de protection ». Toutefois, du fait d’un nombre limité de soldats, seuls deux bateaux en convoi peuvent utiliser cette protection simultanément pour l’instant.

Ce service de traversée sure entre deux checkpoints en haute mer pourrait être développé pour des convois plus réguliers et un plus grand nombre d’équipes de protection. De plus, d’autres frégates patrouillent le même zone pour venir en aide des marchands ou navires civils, si nécessaire.

Illustration

Wikipedia photo en open source sur la page de langue anglaise Gulf Aden page

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