Les droits des femmes mis à mal par la crise sanitaire
La crise sanitaire a creusé les inégalités entre les femmes et les hommes et a affecté, de manière générale, la situation économique des femmes sur le continent européen. Parce qu’elles sont majoritairement présentes dans les secteurs essentiels tels que la santé, les soins personnels et la vente, la crise de la Covid-19 a eu des répercussions disproportionnées sur la vie quotidienne des femmes en augmentant la charge de travail non rémunéré. Les confinements et les couvre-feux ont contribué à la dégradation de la santé mentale des femmes. Les risques de violence dans les foyers se sont aussi accrus. Une enquête Eurobaromètre de mars 2022 indique que 77% des Européennes considèrent que la crise sanitaire a entraîné une augmentation des violences faites aux femmes dans les Etats membres.
Si Josep Borrell promet que l’Union « fait sa part », cette promesse n’est pas récente : elle est inscrite dans les textes fondateurs de l’Union. L’égalité des genres est une valeur intrinsèque aux textes fondateurs de l’Union européenne, inscrite noire sur blanc dès le Traité de Rome en 1957. Toutefois depuis 1957, l’égalité des sexes n’est pas traduite dans la loi de chacun des 27 États membres.
Dans une ère post-crise sanitaire, et alors que la question des droits des femmes demeure un sujet puissamment politique, les institutions ou les personnalités politiques européennes se saisissent de ce sujet lorsque l’occasion semble la meilleure.
La situation économique des femmes en Europe : les inégalités dans la vie professionnelle
En 1975, le Conseil des communautés européennes a adopté le principe d’égalité salariale entre les femmes et les hommes. En 2000, la Charte des droits fondamentaux de l’UE entre en vigueur, et avec elle le principe d’égalité entre les femmes et les hommes « en matière d’emploi, de travail et de rémunération ». Or d’après des chiffres de mars 2022, les Européennes gagnent en moyenne 13 % de moins que les hommes (touteleurope.eu). Cette moyenne cache d’immenses disparités (écart de 0,7 % au Luxembourg mais allant jusqu’à 22,3 % en Lituanie).
En juillet 2019, est entrée en vigueur une directive permettant d’améliorer l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle grâce à des règles sur le congé parental. Ces normes européennes marquent une avancée dans le long chemin vers l’égalité des sexes en ce qu’elles favorisent « le partage des responsabilités », d’après le rapporteur du texte David Casa.
Récemment, la présidence française du Conseil a permis une avancée concernant les disparités de genre dans les situations économiques individuelles. En 2012, la Commission européenne avait proposé un texte pour imposer un quota de 40 % de femmes dans les conseils d’administration non exécutifs des entreprises cotées en bourse, avec une échéance jusqu’à 2027. C’est seulement le 7 juin 2022, sous la présidence française du Conseil de l’UE, que les Etats membres ont trouvé un accord avec le Parlement européen pour fixer ce quota d’ici à 2026. Le texte doit encore être formellement adopté par les deux institutions.
Les atteintes aux droits individuels des femmes en Europe : une menace constante
L’actualité internationale la plus brûlante concernant les droits des femmes est la menace au droit à l’avortement. La Cour suprême des États-Unis a annulé l’arrêt Roe vs. Wade, le 24 juin dernier. Cet arrêt prémunissait contre toute atteinte à ce droit dans tous les Etats fédéraux. Se saisissant de cette actualité alarmante, les eurodéputés ont demandé à ce que ce droit soit inscrit dans la Charte des droits fondamentaux, après un vote en session plénière à Strasbourg le 7 juillet. Cette suggestion fait écho à celle formulée le 19 janvier dernier par Emmanuel Macron au début de la présidence française du Conseil, six mois auparavant. Cette idée n’est pas nouvelle mais juridiquement et politiquement complexe, pour plusieurs raisons. La principale : pour modifier la Charte des droits fondamentaux, qui appartient au corpus des textes de droit primaire de l’UE, il faut l’unanimité des 27 États membres. Unanimité qui risque d’être difficile à atteindre, lorsque l’on constate que ce droit est loin d’être garanti dans des Etats comme la Pologne et Malte.
Les inégalités de genre s’illustrent notamment par l’absence de parité dans les instances institutionnelles et politiques, au niveau européen ou national. Au sein des parlements nationaux des États membres de l’UE, 28,6 % des élus étaient des femmes en mars 2020 (selon la Fondation Robert Schuman). Le Parlement européen comptait en 2020 39,5 % d’élues parmi ses députés. Au sein de la Commission européenne, 13 commissaires sur 27 sont des femmes en mars 2022. Un autre point positif, si la représentativité des femmes dans des postes à responsabilité peut être considérée comme une étape en faveur de l’égalité de genre, on peut constater que trois femmes sont à la tête de grandes institutions de l’Union : Christine Lagarde pour la Banque centrale européenne, Ursula Von der Leyen pour la Commission européenne et Roberta Metsola à la présidence du Parlement européen.
Les moyens mis en oeuvre au niveau européen
La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen s’est engagée au début de son mandat à ce que l’UE développe une stratégie en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes et a présenté des objectifs pour la période 2020-2025. Les principaux consistent à mettre fin aux violences sexistes, à permettre davantage d’égalité dans le milieu professionnel (participation égale dans différents secteurs économiques, rémunération, retraite, etc) : une stratégie pour plus d’intégration et d’intersectionnalité.
Lancé en mars 2020 sous l’impulsion d’eurodéputés du groupe Renew Europe, le Pacte Simone Veil – du nom de la première présidente du Parlement européen -, est une initiative visant à améliorer les droits des femmes de l’UE, et à faire de l’égalité femmes-hommes un droit fondamental au cœur du projet européen. Ce Pacte envisage une harmonisation des droits des femmes entre les États membres, et des garanties pour protéger des droits en danger, comme le droit à l’IVG. L’idée est d’institutionnaliser le Pacte pour que ses objectifs soient portés à une plus grande échelle et traduits sur le plan législatif.
Des moyens sont créés, au niveau européen, pour institutionnaliser le combat en faveur des droits des femmes, et préserver ceux qui existent déjà. Le droit primaire de l’UE contient de grands principes, mais leur mise en œuvre demande encore beaucoup de travail et de temps. L’Union a cependant une compétence limitée en la matière, et l’unanimité de certaines décisions ralentit les progrès qui doivent être fait pour permettre une égalité entre les femmes et les hommes en Europe. Les droits des femmes restent fragiles, soumis aux vents et marées des crises économiques, sociales, ou sanitaires.
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